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Quelle politique de formation ?
Formation professionnelle de nos jeunes footballeurs
Publié dans Liberté le 28 - 02 - 2006

Dans mon premier article publié dans le journal Liberté, intitulé “Les cinq règles indispensables pour accéder au football de haut niveau”, j'ai conditionné l'accès à ce football par la conjugaison d'au moins cinq facteurs : 1. Promouvoir le football de masse. 2. Prendre en charge et former efficacement les jeunes. 3. Former des entraîneurs de haut niveau. 4. Mobiliser différentes ressources humaines (gestionnaires, économistes, entraîneurs, chercheurs, juristes, etc.), et enfin, 5. Favoriser la compétition et plus de compétition.
Mon deuxième article, publié le 8 février 2006, s'intitulait “L'effet du nombre de matches de compétition sur l'amélioration du football : 20 clubs pour le championnat de football… pourquoi pas ? “ Dans cet article, j'ai expliqué les vertus du 5e facteur, à savoir “La compétition et plus de compétitions”, sur l'amélioration du niveau du football en général et des footballeurs en particulier. Dans ce troisième article, je développe le 2e facteur, à savoir “la formation des jeunes footballeurs”. Je souhaite sensibiliser les instances responsables du football algérien (MJS et FAF) sur les précautions à prendre et sur les pistes à exploiter pour la formation de nos futurs footballeurs d'élites. En Algérie, on parle beaucoup actuellement de la formation des jeunes footballeurs. Il semble que l'on doive d'abord préciser qu'il s'agit d'une formation professionnelle, plus particulièrement de la formation à des métiers demandant des compétences psychomotrices et sociomotrices propres à la pratique du football de haut niveau. Si les instances fédérales de notre pays ont compris le rôle de cette formation pour former des équipes de haut niveau, en revanche, nous ignorons la politique et la démarche qu'ils vont choisir pour aboutir à la formation des joueurs de très haut niveau permettant de défendre les couleurs nationales. Dans cet article, je vous propose l'exemple de la France et j'ajoute quelques pistes qui me paraissent importantes et qui ne sont pas encore exploitées même chez des nations de référence mondiale.
1 - Regard sur la formation des footballeurs d'élite en France
La France a su se forger une identité dans le monde de la pratique du football de haut niveau et elle est actuellement une référence mondiale dans le domaine de la formation des joueurs de football. Cet exemple va me permettre d'en tracer l'histoire et de montrer les grands principes de la réussite. Le football d'élite français marque, depuis quelques saisons, de nets progrès : les matches des championnats de France professionnel et amateur expriment une excellente qualité de jeu et les rencontres et les résultats internationaux témoignent de cette progression (champion du monde et champion d'Europe). La formation des footballeurs en France a également permis d'exporter des dizaines de très bons joueurs dans les clubs les plus huppés du monde. Ce constat n'est pas surprenant : il découle d'un travail réfléchi et programmé puis conduit et amélioré au fil du temps.
Cette démarche rationnelle a permis la formation de bons joueurs, donc de meilleurs résultats. L'une des causes majeures de cette réussite est la prise en charge du problème de formation des jeunes joueurs. Historiquement, la politique de formation des jeunes joueurs en France a été lancée par la direction technique nationale de la Fédération française de football au début des années 1970, plus précisément en 1972, à la suite des résultats médiocres des équipes françaises enregistrés dans les compétitions internationales. Cette formation avait pour objectif de résoudre les différentes faiblesses dues au manque de culture tactique, technique, physique et mentale observées chez les joueurs d'élite français ces différents constats sont observés actuellement chez les joueurs algériens. À partir de cette date, les clubs ont fondé, un à un, leur centre de formation. En 1975, les clubs de première division ont dû obligatoirement créer, entretenir et animer un centre de formation. Actuellement, on compte plus de 36 centres de formation et 98% des joueurs de première et deuxième divisions sortent de ces centres de formation.
2 – Les exigences institutionnelles pour créer un centre de formation
Pour bénéficier d'un agrément de centre de formation en France, un club professionnel doit satisfaire un ensemble de conditions (formation scolaire, encadrement, hébergement, etc.). De plus, ces centres de formation sont classés en trois catégories en fonction des critères se basant tant sur les moyens humains (encadrement sportif, médical et scolaire) et structuraux (installations, équipements, hébergement), que sur la formation et la production des jeunes (sélections nationales, points attribués selon les contrats professionnels signés, matches officiels joués, diplômes obtenus et stabilité de l'encadrement technique). Les études restent un des critères les plus déterminants pour catégoriser les centres de formation. La charte prévoit pour les centres de catégories 1 et 2 “une préparation du CAP spécifique aux métiers du football, un enseignement général adapté, interne ou externe, avec l'obligation de réserver quotidiennement une demi-journée pour l'entraînement”. Concernant les centres référés à la catégorie 3, ils conduisent principalement à “la préparation au CAP des métiers du football”.
Le programme de l'enseignement et le contenu des examens scolaires sont régis par le ministère de l'Education nationale. Il faut signaler l'importance d'un enseignement et d'une formation en parallèle à la pratique du football car, seulement, environ 5% à 10% des joueurs peuvent décrocher un contrat professionnel ; pour le reste, il faut anticiper une autre formation à un métier de reconversion (complémentaire). Nous insistons sur le fait que le ministère de la Jeunesse et des Sports et la Fédération algérienne de football doivent protéger ces jeunes par des lois bien explicites. Les instances responsables de notre pays doivent être intransigeantes par rapport à ces points, car on peut mettre l'avenir voire la vie des jeunes en danger.
3 - L'encadrement des jeunes footballeurs
En France, les entraîneurs responsables des centres de formation ont des diplômes spécifiques pour encadrer cette population. Car, la préparation des sportifs de haut niveau englobe un ensemble de savoirs et de savoir-faire à maîtriser ; en effet, il ne suffit pas d'avoir des connaissances propres à l'activité football, mais il faut également maîtriser des facteurs psychologiques et physiologiques qui peuvent intervenir durant les différentes étapes de croissance chez les jeunes. De plus, le travail de l'encadrement technique est surveillé par l'encadrement médical et psychologique permettant de suivre la progression des joueurs.
4 - Des structures de formation préalables
En France, un joueur entre au centre de formation à l'âge de 16 ans mais, avant cet âge, l'instance fédérale française de football a mis en place d'autres structures de relais comme les centres de “sports études”, pris en charge par les ligues ou par des collèges et lycées spécialisés.
Ces structures effectuent un travail de fond très important dans la préparation des jeunes joueurs. En plus des études, les jeunes ont des plages horaires importantes consacrées à la pratique du football. La différence entre ces structures et les centres de formation gérés par les clubs réside dans le fait que les joueurs retournent dans leurs clubs respectifs à la fin de la semaine. En plus de ces structures, il ne faut pas oublier le travail de fond effectué par les clubs amateurs.
Le football de masse représente la première source permettant de voir et de détecter “l'oiseau rare”. Pour notre pays, le football de masse doit être le moteur de production de milliers de jeunes talents. Vu que notre pays souffre du manque d'infrastructures (stades), il faut relancer et encourager les championnats de quartiers dans les grandes villes pour les jeunes de 8 à 16 ans. Ce football de quartiers me paraît indispensable pour la préparation du futur footballeur pour notre pays. Il faut que le ministère, la fédération et surtout les clubs participent et aident l'organisation de ces championnats de quartiers durant toute l'année et pas seulement durant les vacances. Ces championnats seront une source importante de détection de bons joueurs pour les centres de formation.
5 - Règlement des compétitions
Concernant le championnat des jeunes en France, le règlement concernant les remplacements des joueurs durant les matches de compétitions est très souple (identique à celui du basket-ball). Ce système est très bénéfique pour la formation du jeune et permet à l'éducateur de faire des feed-back (corrections) en temps réel. Ce type de règlement aide à la formation des joueurs. Je préconise même pour les jeunes catégories (jusqu'à 18 ans), des matches avec trois ou quatre mi-temps, avec des pauses moins importantes.
6 - Budget de formation spécifique jeunes
Afin d'éviter de marginaliser la formation des jeunes footballeurs algériens, je conseille la création d'un budget spécifique qui doit être alloué à la formation des jeunes quel que soit le niveau des équipes. Les pouvoirs publics et la fédération doivent imposer aux clubs de débloquer des sommes spécifiques à la formation. Ce budget doit être calculé en fonction du niveau des équipes de jeunes, du nombre de licenciés, du niveau de championnat auquel ils participent, du nombre d'éducateurs, des frais de déplacement et de l'arbitrage. Imposer un budget spécifique pour la formation des jeunes est la seule solution obligeant les clubs à faire de la formation. La fédération, en collaboration avec les ligues régionales, peut mettre en place un organisme de suivi qui permet de donner à la fin de chaque saison une note à chaque club formateur. Exemples : les bonnes écoles peuvent avoir des subventions plus importantes pour démarrer la saison suivante ; elles peuvent être exonérées des frais d'engagement, etc. Ces bonus et ces encouragements permettent de dynamiser les clubs et les responsables pour faire du bon travail. Par contre, cette commission doit mettre en place une grille d'évaluation objective et claire des critères à évaluer. Cette grille doit être le fil conducteur permettant aux différents acteurs (dirigeants et éducateurs) de se situer par rapport aux exigences des bons centres de formation.
7 - Organisation du championnat
Je pense actuellement que le seul point négatif dans la formation des footballeurs en France ou dans d'autres pays formateurs réside dans l'organisation du championnat des jeunes. Globalement, l'organisation des championnats des jeunes est calquée sur celle des équipes seniors. Je pense que ce type de championnat ne permet pas de former de façon optimale les jeunes joueurs. Je propose plutôt un autre système de championnat pour les jeunes, basé sur plusieurs compétitions et organisé sur trois étapes durant la saison. Chaque étape permet d'évaluer les niveaux des équipes en fonction de leurs performances dans l'étape. Pour la première étape, toutes les équipes commencent au niveau départemental. Pour la deuxième étape, en fonction des classements de chaque équipe dans les groupes, soit l'équipe accède au niveau régional si elle a réalisé de meilleures performances, soit elle reste au niveau départemental. Pour la troisième étape, les meilleures équipes du niveau régional peuvent terminer la saison au niveau national ; les autres termineront la saison au niveau régional ou départemental. Ce type de compétition est plus attractif et plus motivant, et permet à des équipes et aux jeunes joueurs d'avoir plusieurs objectifs durant l'année et ce, quel que soit leur niveau de performance durant la saison.
Pour terminer, je présente un tableau qui indique le parcours tracé par la Fédération française de football pour former ses joueurs d'élite. Il faut rappeler que durant chaque stade de progression, les jeunes sont encadrés par des animateurs, des éducateurs ou des entraîneurs formés spécifiquement pour une tranche d'âge. Pour conclure, nous pouvons dire que cet article n'a pas pour objectif d'inciter les responsables de notre pays à copier des modèles mais à avoir des idées et des pistes de réflexion, tout en intégrant des facteurs sociaux, cultuels et économiques propres à notre pays.
B. Z.
(*) Maître de conférences
Expert en football de haut niveau
Spécialiste en psychologie de la performance et de l'apprentissage moteur.
Faculté des sciences et des métiers du sport CNRS-UMR-LAMIH, université de Valenciennes


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