Sur fond de crise dans les banlieues, le gouvernement français a mis au point un projet de loi contraignant sur l'immigration. À son premier passage au ministère de l'Intérieur, Nicolas Sarkozy avait déjà modifié, en 2003, la loi héritée de la gauche. Dans un sens plus restrictif. C'est donc un tour de vis supplémentaire qui va être donné. D'autant que le climat politique a été alourdi par le meurtre d'un jeune juif par un gang ayant pour chef un homme d'origine immigrée. En attendant l'adoption de la nouvelle loi, le gouvernement de Dominique de Villepin organise déjà la chasse aux clandestins. L'objectif de Nicolas Sarkozy est d'atteindre 25 000 reconduites à la frontière en 2006 contre 20 000 en 2005. Nombre de décisions sont parfois rejetées par la justice en raison du non-respect de procédure. C'est ce que semble vouloir éviter le gouvernement avec une nouvelle circulaire qui s'apparente à un “parfait manuel” de l'expulsion selon le quotidien Libération qui l'a révélée. Signée par les ministres de l'Intérieur et de la Justice, la circulaire a été envoyée le 21 février dernier aux préfets. Elle fourmille, commente le journal, de conseils aux policiers pour éviter tout risque d'annulation de procédure. Elle précise les conditions d'interpellation des étrangers “aux guichets de la préfecture, au domicile ou dans les logements, les foyers et les centres d'hébergement”. Et même sur la voie publique où il y a le moins de difficultés. Par exemple, lorsqu'ils devront établir leurs procès-verbaux, les policiers devront veiller scrupuleusement à ne pas considérer comme un domicile “un véhicule automobile, le siège d'une association, la cour d'un immeuble lorsqu'elle n'est pas close, un atelier artisanal et industriel, un local réservé à la vente, un logement détruit par un incendie”. Si la personne visée par une expulsion refuse d'ouvrir sa porte, “ne pas glisser la décision préfectorale dans la boîte aux lettres ou sous la porte”. Quand il faut intervenir dans un centre d'hébergement ou un centre d'accueil de demandeurs d'asile, il faut considérer les lieux selon que l'interpellé est “à proximité du local” ou “à l'intérieur”. Dans le cas d'occupation de squats comme cela arrive parfois en France, l'expulsion doit être suivie de contrôle d'identité afin d'interpeller les immigrés sur lesquels pèse une procédure d'expulsion. Là aussi, policiers et magistrats sont destinataires de conseils pour ne pas déborder sur les délais légaux. “De préférence, il faut expulser dans les 24 premières heures de garde à vue”. L'annexe 1 consacrée aux expulsions aux guichets des préfectures considère qu'il est parfaitement “légal” d'interpeller un sans-papiers qui s'y présente pour formuler une nouvelle demande de titre de séjour. Les fonctionnaires sont invités à “soigner la rédaction des motifs” lorsqu'ils adressent eux-mêmes la convocation à un sans-papiers. Il ne faut pas lui faire peur ou éveiller ses soupçons en évoquant un éventuel placement en rétention ou une description de la procédure. Le traquenard ! Avant le 10 avril, les gestionnaires des lieux d'accueil des étrangers seront réunis par les préfets pour la mise en œuvre de la circulaire. Quelle sera la réaction des travailleurs sociaux ainsi invités à une démarche incompatible avec leur mission ? Les associations ont déjà exprimé leur désapprobation. Yacine KENZY