Au troisième jour de grève générale des universités, initiée par le Cnes, le mouvement s'est poursuivi avec, toujours, un taux de suivi massif et un gel quasi total des cours. Pourtant, il y avait de quoi dérouter les enseignants grévistes, hier, suite à la directive du coordinateur national du Cnes enjoignant à ses troupes d'arrêter leur grève en se fondant sur “le prononcé d'une décision de justice”, comme le précise la missive du coordinateur, M. Ali Boukroura, enseignant à l'Université de Sétif. Celle-ci, signale-t-on, est datée du 23 février, soit deux jours avant le déclenchement du mouvement de grève. “Nous avons tenu une assemblée générale pour discuter de cette question. Certains enseignants étaient quelque peu déstabilisés. Il faut savoir que la seule instance habilitée à prendre ce genre de décision au sein du Cnes, c'est le conseil national. Notre syndicat n'a pas de secrétaire général, mais seulement des porte-parole. Et l'assemblée générale a décidé de poursuivre la grève”, devait préciser M. Farid Aït Ihadadène, enseignant à l'université de Bab-Ezzouar et membre du conseil national du Cnes qui nous a reçus, hier, au bureau de la section Cnes de l'université de Bab-Ezzouar. Il faut dire que la sortie du coordinateur national a laissé tout le monde perplexe. Certains parlaient même de “tentative de manipulation” comme nous le dira M. Mohamed Mekkaoui, président de la section Cnes de l'Usto (Oran) et membre lui aussi du conseil national joint hier par téléphone. “De toute façon, nous avions pris les devants en déposant des préavis de grève locaux dans chaque université”, a-t-il souligné. M. Farid Aït Ihadadène relève une ambiguïté dans la lettre du coordinateur national : “En fait, il ne s'agit pas d'une décision de justice, mais seulement du prononcé de la décision. S'il y avait eu jugement, nous aurions fait appel, et le temps que la justice rende un jugement définitif, nous aurions bouclé notre semaine de grève”, relève-t-il. Le tout fraîchement élu président d'une section syndicale créée hier à l'ENTP (Ecole nationale des travaux publics) venait aux nouvelles, la lettre du coordinateur à la main. Il se voit rassuré sachant qu'il s'agit juste d'un petit cafouillage : “Il (le coordinateur national) a dû certainement avoir subi des pressions”, explique Farid Aït Ihadadène, tenant la permanence de la section Cnes de l'USTHB. Dans la foulée, notre interlocuteur ne manquera pas de rappeler toutes les intimidations que n'ont cessé d'endurer les professeurs syndicalistes depuis la création du Cnes en 1991. “On a connu le pire : ils nous ont coupé les salaires quatre mois durant lors de la fameuse grève de 1998-1999 qui a duré 135 jours. Ils nous ont mis sur écoute. J'ai même été accosté un jour de 1996 par un type avec une arme suite à un mouvement de grève. Nous avons l'habitude. Mais nous n'abdiquerons pas”, lance Farid, serein. Une position que vient corroborer une déclaration rendue publique hier par les principales sections du Cnes, tant à l'USTHB qu'à l'Usto. Mercredi prochain, à J-1 de la fin de la grève, ce sera particulièrement animé. À Oran, une marche est prévue vers l'université d'Es-Sénia. “Il faut porter le mouvement dans la rue pour que les gens sachent ce qui se passe”, dira M. Mekkaoui. À Bab-Ezzouar, piquets de grève, AG et conférences ponctuent le mouvement sous le regard d'étudiants clairsemés dans cette immense étendue de béton qu'est l'USTHB, partagés entre la compréhension et le dépit. Certains d'entre eux se sentent pris en otages comme le souligne Rabah, 25 ans, 5e année astrophysique. Pour Farid Aït Ihadadène : “Oui, effectivement, les étudiants sont pris en otages comme les voyageurs sont pris en otages par les cheminots. Nous le faisons la mort dans l'âme, mais c'est ainsi. Une grève qui ne dérange pas n'est pas une grève.” Pour le représentant du Cnes, la grève a d'ores et déjà gagné son pari. Et d'annoncer : “Nous allons tenir une réunion-bilan, et nous allons décider du sort qui devra être réservé à notre coordinateur national qui a enfreint les dispositions statutaires de notre syndicat.” Nous avons tenté maintes fois de joindre ce dernier pour avoir son point de vue sur cette affaire. Peine perdue. M. Benfodil