Aujourd'hui, la grève générale du Cnes boucle son 6e et dernier jour. C'est donc un peu l'heure des bilans pour les enseignants grévistes. Ce qu'il faut d'ores et déjà retenir, sur ce chapitre, c'est que le pari du Cnes est gagné. Le taux de suivi, selon les différentes sections, et d'après ce que nos différents correspondants ont pu constater sur le terrain, dépassait la plupart du temps les 90%, quand il n'avoisinait pas les 100%. La journée d'hier a été ainsi marquée par la tenue d'assemblées générales un peu partout à travers les universités du pays pour faire le point. Tout en se félicitant du niveau de mobilisation réalisé, les sections Cnes se sont attachées à tirer les enseignements qui s'imposent en dénonçant les tentatives d'intimidation à l'encontre des professeurs et l'instrumentalisation de la justice. Ils se sont également longuement attardés sur l'épisode de cette fameuse correspondance interne émanant du coordinateur national appelant à se conformer à une décision de justice suite à une plainte déposée par le MESRS. Cette correspondance a soulevé beaucoup de remous parmi les enseignants grévistes et l'on a même parlé de “tentative de manipulation” de la part de la tutelle. Ainsi, le nom de Ali Boukroura, coordinateur national du Cnes et auteur de la correspondance de la discorde a été copieusement critiqué. Contacté par nos soins, celui-ci a riposté en rejetant en bloc les accusations qui l'ont ciblé. “Il faut d'abord souligner qu'il s'agit d'un courrier interne au Cnes. Le sens de cette correspondance n'était pas du tout de demander l'arrêt de la grève comme cela a été interprété, mais simplement d'exprimer notre respect de la justice en tant que direction nationale, le Cnes étant un syndicat légaliste qui active dans le cadre de la loi. Voilà le sens de ma démarche. Pour le reste, les préavis locaux étaient toujours en vigueur et, à ce titre, la grève s'est poursuivie jusqu'au bout. 38 préavis de grève locaux au total ont été déposés. D'ailleurs, personnellement, en tant que membre de la section Cnes de l'Université de Sétif, j'ai observé la grève et demeure en grève jusqu'à la dernière minute. Jamais il n'a été dans les intentions du coordinateur national de casser la grève comme cela a été écrit. Je n'ai subi ni pression ni manipulation. Tous ces ragots sont le fait de forces sournoises qui veulent nuire à ce syndicat”, a-t-il indiqué, avant de préciser : “Il n'y a pas de supersections au sein du Cnes. Les seules instances habilitées à prendre des décisions sont le conseil national et le bureau national. Mon mandat prendra fin en janvier 2007, et je tiens à l'honorer jusqu'au bout.” Dressant un bilan succinct de cette grève, M. Boukroura s'en est félicité en escomptant une augmentation des effectifs du Cnes : “À notre arrivée, il y avait 18 sections. Aujourd'hui, nous sommes à 43 sections avec quelque 11 000 adhérents disséminés dans tous les grands pôles universitaires. Avec cette grève, nous allons passer à 50 sections.” Le coordinateur national a tenu à relever les pressions subies par certaines sections, notamment à l'est du pays, qui ont fait l'objet de citations en référé devant les tribunaux. C'est le cas de celles de Biskra, Guelma, Constantine, Annaba et Oum El-Bouaghi… “Nous souhaitons que la tutelle fasse une lecture responsable de cette grève en ouvrant les négociations en proposant des solutions tangibles”, a conclu notre interlocuteur. De son côté, M. Cherbal, coordinateur national adjoint chargé de la région centre, a noté lui aussi un suivi massif de la grève. “Il y a deux leçons essentielles à retenir de cette grève : la première, c'est la mobilisation massive enregistrée pour protester contre la dégradation des conditions de vie et de travail des enseignants. La deuxième concerne la consécration du droit de grève et des libertés syndicales comme un droit inaliénable. C'est la première fois depuis des années qu'une grève de cette ampleur se tient malgré toutes les pressions et les intimidations, malgré l'instrumentalisation de la justice. Les libertés syndicales sont désormais une revendication stratégique au même titre que les droits sociaux”. Evaluant la réaction des pouvoirs publics à cette grève, le Cnes retient que ceux-ci continuent à privilégier la solution répressive au dialogue social. “La réponse du ministère en recourant à la justice est un aveu d'échec à gérer 11 ans de revendications sociales. Le problème n'est pas un problème justice-Cnes. Il faudrait aller vers un règlement des conflits sociaux avec des mécanismes civilisationnels à travers un dialogue social efficace dans le respect des lois sociales”, souligne Farid Cherbal. Concernant les actions en perspective, il est question particulièrement de la préparation du terrain pour la grève illimitée de mai prochain coïncidant avec les examens de fin d'année. “Nous allons à présent travailler sur la préparation des étudiants aux enjeux de la grève de mai. Nous allons mener une action pédagogique en direction de la société”, confie le coordinateur de la région centre. Notons que lors d'une AG tenue hier à l'université d'Es-Sénia, les enseignants du Cnes ont largement débattu de la situation des syndicats autonomes et des atteintes répétées au libre exercice du droit syndical. Dans la foulée, une demande a été formulée pour le dépôt d'une plainte au niveau du BIT contre le gouvernement algérien afin de dénoncer les entraves répétées au libre exercice du droit syndical. Cette proposition sera soumise très prochainement au bureau national du Cnes. M. Benfodil/ F. Boumediene