Dans le décor idyllique de la clinique du Dr Ahcène l'Eclair, les citoyens en quête de “vie meilleure” viennent brader leurs organes et ceux de leurs morts pour une bouchée d'espoir. Tout se vend et s'achète : rein, foie, nez, poumon et même le cœur. Il suffit de s'acquitter de la forte somme exigée par le toubib et ses collaborateurs pour se faire remplacer la partie “défectueuse” du corps. Quand la “marchandise” manque, faute de donateurs, l'équipe médicale fait appel à un fossoyeur. De nuit, il exhume des cadavres pour en extirper le “nécessaire” sans état d'âme ni frisson. Tous les moyens sont bons pour gagner de l'argent dans une société rongée par la pauvreté avec son cortège de maux notamment le chômage. “Haffar laqbour” conteste l'image d'inhumain qu'on veut lui coller. “Le mort est mort, alors autant en profiter pour sauver les vivants”, se défend-il, un brin philosophique. La pièce de Omar Fetmouche présentée à la maison de la culture Mouloud-Mammeri de Tizi Ouzou est captivante de bout en bout. Wouhouche.com qui se veut une tragi-comédie se propose sur un mode de dérision de questionner les limites de la raison et de la déraison dans un monde qui, peut-être, n'est qu'une vaste plaisanterie, commente l'auteur et metteur en scène. Et quand les rôles sont incarnés par l'inénarrable Rachid Maâmeria, le virevoltant comédien connu pour ses sketch à l'Entv, Ahcène Azezni et Djohra, le spectacle ne peut être que détonnant. Le public a beaucoup apprécié. Le décor sobre, la musique, le son, l'éclairage, rien n'a été laissé au hasard par l'équipe technique. Tout à l'honneur des théâtres de Béjaïa et Sindjab de Bordj Ménaïel, dirigés par Omar Fetmouche, qui ont monté cette œuvre. Sinjab existe depuis 1976. Cette compagnie travaillait dans son propre théâtre qui a été malheureusement endommagé lors du séisme de Boumerdès. Elle a à son actif quelque 25 créations. Près de 500 représentations ont été données en Algérie et à l'étranger. Sinjab dont les moyens sont très limités mène son action dans la perspective d'un théâtre d'urgence et de résistance. À la tête du Théâtre régional de Béjaïa depuis quelques années, Fetmouche a su booster le quatrième art dans la région. Dès son installation, il s'est fixé plusieurs objectifs : réhabiliter la scène avec l'organisation de festivals culturels et artistiques, créer un café-théâtre au sein de l'établissement et monter une super production théâtrale sur l'histoire de la ville de Yemma Gouraya. À long terme (2006-08), le TRB ambitionne de s'équiper d'une imprimerie et de relancer le studio d'enregistrement inactif en le dotant du matériel technique nécessaire pour une autonomie totale en matière d'impression et de montage audiovisuel. La réalisation d'un chapiteau de théâtre mobile, encadrée par une équipe d'artistes pour des tournées dans les villages déshérités de la région, l'organisation du festival international du théâtre universitaire en collaboration avec l'université de Béjaïa, la généralisation du système d'abonnement au théâtre tant pour les enfants que pour les adultes sont les autres projets inscrits sur l'agenda de M. Fetmouche qui compte coproduire avec les théâtres régionaux, les artistes, les associations et les théâtres internationaux dans le cadre d'une convention adoptée en collaboration avec la tutelle. A. TAHRAOUI