Le chercheur français, ayant joué un rôle notable dans l'élaboration du Livre blanc, relatif à la lutte antiterroriste, a révélé hier, à Liberté, que la libération récente de plus 2 200 terroristes en Algérie est “une immense responsabilité” pour les Algériens. En marge de la conférence organisée par l'Institut national d'études de stratégies globales (INESG), qu'il a animée à l'hôtel Hilton sur “la vision à long terme du phénomène du terrorisme”, l'ex-responsable au niveau des ministères des Affaires étrangères et de la Défense a néanmoins précisé qu'il n'existe pas de “règles universelles” sur la problématique de réconciliation faite à travers des mesures de réintégration dans la société. Pour preuve, il a notamment cité le cas du Salvador des années 1970 et 1980, qui présente certaines similitudes avec l'expérience algérienne, puis celui des tortionnaires espagnols non poursuivis par la justice, en se demandant si la démarche initiée par les dirigeants de ces pays n'était pas en fait “une nécessité pour la transition démocratique”. “La paix et la justice ne sont pas identiques, elles sont nécessaires toutes les deux. Une politique qui exclut l'une d'elles faillira”, a déclaré l'expert français. Ce dernier a, cependant, constaté que l'analyse faite par les autorités d'Alger débouche sur “un vocable” qui n'a rien à voir avec la lutte antiterroriste. “Cela n'a rien à voir avec le terrorisme qui, lui, est un mode opératoire. Aujourd'hui, l'Algérie est entrée dans une phase de tentative de réconciliation”, a-t-il indiqué, non sans rappeler “la reconnaissance et un choc important contre des concepts opposés”. M. Heisbourg a beaucoup insisté sur l'objectif de renforcement de la paix et de la justice, rappelant, encore une fois, que les processus de réconciliation sont “spécifiques”, quoiqu'ils “évoluent dans le temps”. S'appuyant sur le contenu du Livre blanc, il a signalé un des choix fondamentaux en matière de communication pour s'opposer à la capacité de destruction des terroristes, à savoir “une communication incluant l'ensemble de la population, surtout celle mise en situation de vulnérabilité par les terroristes”. Lors de la conférence, le chercheur français a asséné certaines vérités sur la menace “plus importante” aujourd'hui du phénomène du terrorisme dans le monde, de même que l'impact de celui-ci sur les populations et les dirigeants. Le terroriste, a-t-il soutenu, cherche à “influencer les comportements de la société, la cohésion de la société et affoler ceux qu'il attaque”. Selon lui, “une communication maîtrisée” peut grandement réduire à la fois “les effets de terreur recherchés par les terroristes”, l'amplification des actes terroristes par les mass médias modernes et le rôle de caisse de résonance joué par la rumeur publique. François Heisbourg a, par ailleurs, défendu l'idée de la vision lointaine dans la lutte antiterroriste, estimant qu'il ne faut point se limiter au “mouvement terroriste du moment”, afin de ne pas être dépassé par la suite. “Nous ne savons pas les références idéologiques du terrorisme dans 4 ou 5 ans”, a-t-il expliqué. Il a également affiché sa méfiance vis-à-vis des “consensus” autour des causes profondes du terrorisme, comme la pauvreté ou le désespoir. “Le terrorisme peut prospérer dans des sociétés riches et prospères”, a-t-il soutenu, convaincu que “le terrorisme est un mode d'action et non une idéologie de masse”. Le conférencier s'est, en outre, opposé à certains concepts développés actuellement qui risquent de conférer “une certaine légitimité aux terroristes”, à l'exemple de celui de “guerre contre le terrorisme” mis en avant aujourd'hui par les Etats-Unis, et ceux qualifiant les terroristes de “combattants” et de “guerriers”, qui participent à leur donner “une forme de dignité”. “Dans la lutte contre le terrorisme, il ne faut pas sacrifier les valeurs et l'éthique. Si on les sacrifie, les terroristes ont gagné”, a déclaré l'expert français. Hafida Ameyar