L'élection présidentielle française du printemps 2007 est-elle en train de se jouer déjà ? En tout cas, c'est un moment crucial que le pays traverse et surtout une épreuve décisive pour le Premier ministre Dominique de Villepin. Et de manière plus générale, pour la droite, dont les rangs, resserrés lors de la crise des banlieues à l'automne, commencent à se lézarder. À la peine depuis un moment, la gauche se met à rêver d'un nouveau “mai 68”. De fait, les universités bouillonnent à l'image de la prestigieuse Sorbonne fermée depuis jeudi par crainte d'incidents. Quelques échauffourées se sont produites entre étudiants et forces de l'ordre. Des manifestations dans toute la France sont prévues aujourd'hui après celles de mardi dernier qui ont rassemblé entre 400 000 et un million de personnes, selon les estimations de la police et des syndicats. À l'origine, un contrat de travail imaginé par le Premier ministre pour faire face au chômage des jeunes. Appelé contrat de première embauche (CPE) et réservé aux moins de 26 ans, il permet aux entreprises de licencier sans motif pendant deux ans, contrairement à ce qui est prévu par le droit du travail. Le chômage touche 23% des jeunes de moins de 25 ans. Le gouvernement le présente comme un moyen de flexibilité qui va encourager les entreprises à recruter sans les ligoter avec des personnels qu'elles ne veulent plus garder. Dominique de Villepin refuse donc de céder sur ce projet entériné jeudi par le Parlement. Syndicats et opposition de gauche continuent de réclamer l'abrogation du CPE accusé de favoriser la précarité dans un climat social et économique déjà porteur d'angoisse. Contre l'obstination de Villepin, la première voix de droite à s'élever est celle du député Hervé de Charrette, ancien ministre des Affaires étrangères et proche du ministre de l'Intérieur Nicolas Sarkozy, candidat déclaré à la présidence et grand rival à droite de Dominique de Villepin. Le CPE “peut, si le gouvernement s'obstinait, coûter l'élection présidentielle” à la droite, s'inquiète M. de Charrette clamant tout haut ce que d'autres figures de son camp susurrent. En réaction, neuf députés, proches de Dominique de Villepin, ont dénoncé “l'esprit de capitulation d'une poignée de députés” UMP, le parti au pouvoir. Ainsi confronté à des sondages hostiles et aux doutes de certains membres de sa majorité, M. De Villepin cherche les moyens d'aménager le CPE sans reculer sur le fond. Un sénateur socialiste, David Assouline, a lui aussi mis en garde le gouvernement : “Vous n'aurez pas d'autre choix que d'écouter non pas la rue mais la jeunesse.” Un avertissement relayé par l'influent quotidien Le Monde qui souligne qu'avec le CPE “De Villepin s'aliène les jeunes”. Le pouvoir se heurte à une jeunesse précarisée qui ne supporte pas, ou mal, cette France bloquée. “Le désarroi de la jeunesse révèle celui de la France.” De Villepin va-t-il finalement reculer ? Yacine KENZY