À peine la Charte pour la paix et la réconciliation nationale mise sur les rails que déjà les militants du parti dissous, ou ce qui en reste, sont courtisés. Jeudi, à Boumerdès, un député du Mouvement de la société pour la paix (MSP), membre de l'alliance présidentielle, a lancé un appel aux militants et aux dirigeants de l'ex-FIS à rejoindre son parti, selon un confrère arabophone qui rapportait l'information dans son édition d'hier. Nacer Eddine Samy Chérif, le député en question, a appelé, lors d'un regroupement des membres de l'exécutif de la wilaya, les dirigeants et les militants de l'ex-FIS à soutenir “la réconciliation nationale”, seule voie, à ses yeux, vers la “démocratie”, rapporte la même source. Un appel que ne confirme pas, cependant, la direction nationale du parti. “Je ne peux pas vous confirmer ce qu'il a dit, mais en tant que parti, on n'a pas lancé d'appel en direction des dirigeants du FIS !” a tenté de tempérer, hier, l'ex-ministre, Abdelmadjid Menasra, membre de la direction du parti, joint par téléphone. Il a ajouté toutefois que “le MSP reste ouvert aux militants”. En clair, il n'y a pas “d'offres d'emploi”. Du moins pour le moment. Pourtant, on ne dissimule pas au sein du parti, cher au défunt Mahfoud Nahnah, le souhait de récupérer la base de l'ancien parti islamiste d'autant que les écueils administratifs sont levés. Adoptée lors du référendum du 29 septembre dernier, la Charte pour la paix et la réconciliation nationale accorde “l'impunité” à tous les auteurs d'assassinats, à l'exception de ceux coupables “d'assassinats collectifs, de viols, d'attentats à l'explosif sur les lieux publics”. Si elle interdit “le retour à l'activité politique” des “responsables” de la tragédie, elle reste, toutefois, “floue” sur l'identité des bénéficiaires, puisque pour peu que certains, à l'image de Madani Mezrag, reconnaissent leurs “faits d'armes”, ils sont admis à faire de l'activité politique. Convaincu probablement que le FIS ne pourrait revenir dans son acception originale, le MSP, fort de son “légalisme” et de “son image”, envoie donc un message en direction des militants du parti dissous en déclarant que les portes de la formation restent ouvertes. Une précision qui s'assimile aisément à un clin d'œil qui ne dit pas son nom. Seul parti à avoir résisté aux turbulences qui ont secoué de nombreuses formations politiques, le MSP, grâce à sa politique d'entrisme et ses accointances avec “certains cercles décideurs”, entend même jouer un rôle de premier plan dans les prochaines années. En d'autres termes, se présenter comme le fédérateur et le réceptacle de la mouvance islamiste. Pour ce faire, il doit reprendre à son compte, curieusement, le discours qui a été longtemps celui des dirigeants de l'ex-FIS et aussi celui de toute la mouvance dite “réconciliatrice”. En effet, il ne demande rien de plus qu'“une solution globale”. “Pour nous, la charte n'est pas la solution finale, elle en représente 80%. La solution finale, c'est celle qui n'exclut personne, satisfait les familles des victimes, les familles des terroristes et les familles des disparus”, précise Menasra. Le MSP est-il d'accord à ce que les anciens dirigeants reprennent l'activité politique ? “On n'est pas contre à ce qu'ils activent, l'essentiel est que ça se fasse dans le cadre de la loi. (…) On est d'accord à ce qu'on donne aux Algériens leur citoyenneté intégrale et leurs droits.” Il y a confusément quelques similitudes avec la revendication d'Ali Benhadj, l'ex-numéro deux du FIS, libéré il y a quelques jours : “Il ne peut y avoir de réconciliation imposée (…) avant de parler de réconciliation, il faut d'abord dire la vérité sur tout ce qui s'est passé.” KARIM KEBIR