“Je demeure engagé dans notre entreprise commune visant à traduire dans un traité d'amitié notre partenariat d'exception. Il y va de l'avenir de nos deux pays et de nos deux peuples”, écrivait le président français, Jacques Chirac, dans un message envoyé, le 4 janvier, à son “très cher ami” Abdelaziz Bouteflika qui rentrait alors de Paris après cinq semaines d'hospitalisation et de convalescence. Prévue pour fin 2005, la signature du traité d'amitié entre l'Algérie et la France a subi les contre-coups d'une polémique monstre entre Alger et Paris provoquée par l'adoption par le Parlement français, le 23 février 2005, de la loi sur les rapatriés faisant référence au rôle positif de la présence coloniale française, en particulier en Afrique du Nord. Pour la désamorcer, Chirac a pris le risque de se mettre à dos l'influent lobby pieds-noirs en décidant la suppression de l'article controversé. Pour nombre d'analystes, le retrait du fameux article 4 de cette loi contre lequel Abdelaziz Bouteflika avait eu des mots très durs, allant jusqu'à parler de “cécité mentale confinant au négationnisme”, est de nature à décrisper une situation qui confine à une impasse. Surtout que depuis son adoption, Bouteflika n'avait eu de cesse d'exiger rien moins qu'une repentance de la part de la “France officielle” pour les crimes commis par la “France coloniale”. Pourtant, le “geste fort” du président français est resté sans écho. Placide, Abdelaziz Bouteflika n'a pas jugé utile de donner suite à la sollicitation de Chirac, le 4 janvier dernier, qui souhaitait un entretien sur “la façon de mener à bonne fin ce travail de refondation”. Selon des indiscrétions, les deux chefs d'Etat ne se sont pas échangé, depuis, un quelconque mot. Le report sans aucune explication officielle de la visite du ministre délégué à l'Industrie, François Loos, a ouvert la voie aux spéculations, alors que le voyage du chef de la diplomatie française, Philippe Douste-Blazy, annoncé depuis belle lurette déjà, est désormais renvoyé aux calendes grecques. À l'impatience des autorités françaises à conclure le traité d'amitié est opposée, de ce côté-ci de la Méditerranée, une “impavidité” olympienne. Aussi se pose la question du pourquoi de ce peu d'empressement de la part des autorités algériennes à signer un traité qu'elles avaient pourtant porté au pinacle. Estime-t-on à Alger que les termes dans lesquels est jusque-là négocié ce traité, au demeurant inconnu à ce jour, sont nettement à l'avantage de la France ? Possible. Et maintenant qu'elle est courtisée par les grandes capitales mondiales — en témoigne l'intense ballet diplomatique de ces derniers mois —, Alger peut bien se payer une certaine “nonchalance'' pour faire monter les enchères. Autrement dit, jouer la carte de la diversité des partenaires stratégiques pour obtenir davantage de concessions de la part de la France. Autre chose. D'aucuns susurrent qu'avec la suppression de l'article litigieux de la loi du 23 février, la partie française s'estime en droit d'attendre une contrepartie, histoire de ne pas perdre la face. Et surtout de ne rien perdre au change. C'est ainsi que, dit-on, l'Elysée souhaite ardemment qu'Alger consente à faire un geste sur la question des harkis. Autant dire que l'Algérie devrait, aux yeux de Paris, se “repentir” à son tour de sa position traditionnelle sur les harkis, devenus citoyens français, et surtout du sort que l'Algérie indépendante leur a réservé depuis 1962. Ce qui est fort improbable au regard de la relation quasi mystique qu'ont les Algériens avec la révolution de Novembre 1954. Le traité d'amitié envisagé par les deux parties, qui y voient volontiers un aboutissement utile, voire indispensable pour la concrétisation du partenariat stratégique, reste vraisemblablement otage du contentieux historique entre les deux pays. Un contentieux qui, lui, demeure entier. ARAB CHIH