La fondation Déserts du monde et la Journée mondiale de l'environnement ont constitué le noyau qui a aidé à organiser ces journées. Durant ce parcours initiatique, six groupes gnawa vont se produire tout au long de ce mini-festival qui ambitionne d'égaler un jour le festival d'Essaouira au Maroc. On dit des Gnawas qu'isl sont “africains par la sève et maghrébins par la greffe”. A l'affiche donc, Zahrat Errimal et Djmawi Africa mardi 21 ; Gnawa Sidi Blal et Noudjoum Essaoura mercredi 22 et jeudi 23, Mohamed Rouane et El Ferda. Mohamed Rouane Originaire de la région de Djelfa, il a assimilé la musique saharienne parce que né et grandi dans ce substrat commun, cette matrice originelle propre aux Sudistes. De ce patrimoine, acquis, intériorisé, il puise ses sources d'inspiration. La Casbah (qui l'a vu naître) symbolise pour lui culture et traditions, histoire et folklore et ces thèmes le poussent à insuffler un style nouveau, fait de liberté. “Donner une liberté à la musique”, dit-il, d'où l'appellation de son groupe Casbah-jazz. Musique nouvelle, inédite, née d'un métissage et d'un brassage de musiques traditionnelles, anciennes, puisées dans le genre sahraoui, subtilement mêlée au jazz. Rouane a, faut-il le dire, eu le mérite (ou le génie ?) de créer un style ; sa musique est basée sur des instruments traditionnels, auxquels il adjoint le mandole, instrument d'origine arabo-perse que seuls les Arabes utilisent. Bilido, nous dit Rouane, a fabriqué un mandole pour feu El Hadj El Anka en 1932. Le groupe Jmawi Africa Il est présenté par Abdou ; neuf musiciens le composent et il active depuis 2 ans. Alliage d'instruments divers et guembri, et métissage des styles en constituent la spécificité. Chacun de ses membres a été bercé par un style musical différent : chaâbi, andalou, rock, métal, reggae, etc., mais ils s'inspirent tous des messages de liberté et d'espoir des chants gnawas. Le gnawi originel ? Il faut remonter à l'histoire du peuple gnawa… Descendants d'esclaves, leurs ancêtres ont été déportés d'Afrique subsaharienne vers le Maroc. Sidi Blal est leur saint patron ; leur fusion avec la population locale a produit un métissage culturel fait d'apports africains et arabo-berbères. Ces peuples, ont créé une confrérie pratiquant un culte. Danses, chants et pratique gestuelle constituent un rite de possession appelé la derdba, celle-ci se déroulant de nuit (comme les rites vaudou de Haïti). Ces pratiques musicales et de danses ont une fonction initiatique et souvent thérapeutique (possession et transe). Le guembri (luth tambour) à trois cordes, les crotales (qraqeb qui étaient à l'origine les chaînes des esclaves) et les tambours (ganga) sont les instruments utilisés. Le groupe Jmawi Africa ambitionne de faire du gnawi la techno des Algériens. Leur message est simple : puiser de l'africanité et de l'algérianité pour aller vers l'universel, tout en préservant un style personnel. “Dans ce sens, Safy Boutella a déjà exploité cette musique en lui donnant un aspect universel”, dira Abdou. Allier folkore, origines et modernisme, tel est le challenge de ce groupe qui espère voir naître un festival gnawi, dans le sillage de ces nuits du gnawi… Noudjoum Essaoura C'est un groupe venant de Aïn Sefra. Le choix du gnawi ? Ils sont originaires de la région, et ont de ce fait baigné dans cette musique dès l'enfance : Guembri et qarqabou, chi'r el Malhoun et madih dini, leur expérience acquise dans ce mode musical leur permet de promouvoir et de pérenniser un art ancestral. Leur style de musique tend vers l'aspect originel du diwan. Savoir-faire, sens de la créativité, style particulier, distinguent ce groupe. El ferda C'est une formation musicale authentique qui se consacre à la pérennisation de la tradition ancestrale. El ferda, c'est la moitié de zouidja, donc une seule chaussure : et l'appellation, quoique prosaïque, de ce genre musical, puise son origine dans un lointain rituel musical qui consistait à frapper sur un plat à couscous, avec une babouche ! Sous la houlette de Hocine Zaydi, le public algérois compte bien s'initer aux airs venus de Kenadsa. Alliant retour aux sources et modernisme, les Gnawis veulent transmettre un message et le faire partager à un public néophyte et curieux. Ce métissage, qu'ils appellent de leurs vœux — Casbah et Sud peuvent fusionner, tout comme Imzad et rock — ouvre des perspectives inespérées dans ce domaine si l'on tient compte de l'apport tunisien et maghribi. “Entre artistes, on a le même langage”, conclut Abdou. N. S.