Lundi soir, au Palais de la culture, la diva du bel canto, Zakia Kara Turki, a tenu le haut du pavé devant un public trié sur le volet. Djellabas et babouches blanches maghribias pour les musiciens, et pour rester dans le ton, somptueux kaftan fuschia, scintillant de gouttelettes d'argent pour la grande dame du haouzi. La première partie du programme rend hommage à noubète el Ghrib. Un insiraf Ghrib, ya saâ hania suivi d'un second, koum yasir lana qitâan, suivis de trois khlass : Billah ouhawar, kaliftou bil badri et oua achiya. La seconde partie du récital se fait plus légère, plus rythmée, plus féminine, car encline au t'zaâbil : répertoire haouzi ; quelques dames dodelinent de la tête, sur place, une autre ne se retient plus, et “zaâbel” devant sa chaise ; le public bat la mesure. Mesdames, sortez vos mouchoirs de chbika !... Ya dhou ayani... selem ‘ala nass Tlemcen sert de prélude à la longue liste des refrains célèbres. Zakia roucoule comme une tourterelle, et ose monter d'un dièse le timbre de sa voix pour le planter dans un aigu vertigineux ; parfaite maîtrise instrumentale malgré le ton quelque peu cassant du synthétiseur, qui ne peut — hélas ! — supplanter le piano, si doux... Que nous voilà transportés par la magie du verbe et, grâce à une interprétation magistrale, aux temps bénis des cantatrices disparues, cheikha Tetma, Meriem Fekkaï, Yamna Bent Cheikh el Mehdi ou encore la divine Reinette Daoud ou encore la majestueuse Alice Fitoussi, qui ont clamé haut et fort, et porté au pinacle le haouzi et le haoufi... Meriem, à ma droite, conclut, les yeux brillants d'admiration : “Gourziha n'hass !” (son gosier est de cuivre !) NORA SARI