Je comprends parfaitement qu'on puisse haïr un pays ; je comprends tout à fait qu'un Français puisse haïr l'Algérie jusqu'à la déraison, à la manière de Jean-Baptiste Rivoire de Canal +. Mais exposer ainsi son amertume à tout propos et en toute circonstance a forcément quelque chose de pathologique. Une sécurité militaire omnipotente et féroce, des opposants islamistes qui n'assassinent que quand ils sont manipulés par ladite sécurité et quelques héros sous la forme de félons dénonciateurs des exactions de l'armée. Il reste à disposer ce beau monde sur un terrain vague et vous avez l'Algérie dont le devenir préoccupe à ce point Rivoire. Le propos n'est pas de répliquer à Jean-Baptiste Rivoire. Il balade toujours la même thèse (c'est l'armée algérienne qui est l'auteur des attentats attribués aux islamistes… algériens), le même témoin (un officier renégat du site Maol) et un même ressentiment contre la presse algérienne dont aucun n'a grâce à ses yeux. Il l'a réitéré, hier, dans l'émission Arrêts sur images en émettant sur la Cinquième, avec l'insolence du colon déchu, ces propos imbéciles : “Les journalistes algériens disent tout et n'importe quoi.” Je me demande sincèrement si ces paroles n'expriment pas, plutôt que de la bile seulement, un racisme maladif. Auquel cas, le pâle Rivoire ne mérite que d'être laissé à la merci rongeuse de son mal. Je ne citerai pas d'illustres hommes de presse algériens qui méritent mieux que d'être rappelés à son souvenir brouillé par la haine et qui n'ont jamais cru qu'un journaliste algérien se fait homologuer à Paris. Ils en sont morts pour certains dans leurs pays, assassinés parfois par les terroristes qu'il couve de toute l'efficacité médiatique de Canal Plus. Tout le monde sait qu'il faut être un piètre professionnel et un amer frustré pour insulter ainsi de façon générique et déplacée toute une catégorie de confrères, dont il dit d'ailleurs qu'il en compte “des copains”. Ils sont bien souples ces compatriotes que leurs amis saluent par le mépris ! Mais que fera Rivoire quand la source sanglante et rentable sera tarie ? Quand la S.M. dont les crimes font, cependant, vivre bien des journalistes ratés sur les bords de la Seine. Jean-Baptiste Rivoire pourra dire que je fais partie de “ces journalistes (qui) défendent la S.M.”, comme il l'a dit de nous tous, hier. Comme si notre honorabilité avait besoin du blanc seing d'un apprenti manipulateur. Je rappellerai à Rivoire que c'est un journaliste qui a volé, aux Philippines, l'agenda téléphonique d'Alfred Sirven, pour le remettre aux flics à Paris. Sirven n'est pas un terroriste mais cela n'a pas empêché la presse française — puisqu'il s'agit de généraliser — de faire la balance ; cela n'en a offusqué aucun des confrères français, pas même le puriste Rivoire. Mais tant que ce n'est pas en Algérie… Mais nous n'avons pas l'obsession de vous convaincre, Monsieur Rivoire. Que vaut l'avis d'un nostalgique de l'Algérie de papa devant le jugement d'un lectorat. Car si nous existons, c'est qu'il y a en Algérie une opinion et des concitoyens suffisamment adultes pour juger de notre action sans besoin de l'avis éclairé d'un blanc. Un lectorat dans le seul jugement a, à nos yeux, quelque pertinence parce qu'il est immergé avec nous dans une crise que nous comptons résoudre, malgré la S.M. qui nous contrarie, malgré les islamistes qui nous assassine, malgré votre adversité. M. H.