Ces personnalités politiques basées à l'étranger tentent de rallier les “adversaires” de la charte, qui ont pourtant longtemps milité pour une réconciliation nationale. “L'auto-amnistie des chefs de guerre a déjà été tentée ailleurs, notamment en Amérique latine, et partout elle a connu l'échec. Car nul ne peut disposer du pouvoir d'effacer l'histoire. Il ne peut y avoir de paix et de réconciliation sans vérité ni justice.” Le propos n'est pas d'une famille de victimes du terrorisme, peut-être incommodée par la libération des “égarés”, pour reprendre un vocable en usage dans le discours officiel, encore moins d'un “islamiste” irréductible, à l'image de l'ex-numéro deux du FIS dissous, Ali Benhadj, non satisfait des largesses accordées par la mise en œuvre de la Charte pour la paix et la réconciliation nationale, mais d'un groupe d'intellectuels et d'hommes politiques connus pour avoir longtemps prêché la paix, souvent depuis l'étranger. Hocine Aït Ahmed (leader du FFS), Lahouari Addi (sociologue et auteur de la célèbre thèse “la régression féconde” désormais “stérile”), Omar Benderra (économiste), Sihem Bensedrine (Conseil national pour les libertés en Tunisie), Anna Bozzo (historienne), François Gèze (éditeur de Souaïdia), Burhan Ghalioun (politologue), Ghazi Hidouci (économiste et ancien ministre sous Hamrouche), Alain Lipietz (député européen), Gustave Massiah (président du CRID), Salima Mellah (Algeria-Watch), Adolfo Perez Esquivel (prix Nobel de la paix), Salah-Eddine Sidhoum (chirurgien anciennement emprisonné), Abdelhamid Brahimi (ancien Premier ministre sous Chadli), Abdelkader Tigha (sous-officier déserteur), Mohamed-Larbi Zitout (ex-diplomate qui a rejoint le FIS), Nacéra Dutour de SOS-Disparus et Ali Bensaâd, pour ne citer que ceux-là, ont lancé une pétition, dont Liberté a eu une copie, rejetant la “Charte pour la paix et la réconciliation nationale” et appuyant “la société dans sa marche vers la justice et les libertés”. Cette pétition, sous le titre “Algérie : contre l'auto-amnistie, oui à la justice, non à l'impunité”, sera envoyée la fin du mois d'avril prochain à diverses institutions algériennes et internationales. Ce groupe a fini par former un lobby durant les années de terrorisme qui avait abouti, une première fois, à la plate-forme de Sant'Egidio dont le texte de la Charte de la réconciliation nationale dépasse d'assez loin en termes de substance. Depuis la promulgation de la charte, ce lobby a repris forme pour s'attaquer au plan de paix de Bouteflika qui semble avoir rendu leur argumentaire caduc. Un groupe idéologiquement hétéroclite, où l'on retrouve des anciens islamistes radicaux, des transfuges qui ont fondé le MAOL, des députés verts européens, des anciens de l'équipe de Mouloud Hamrouche, des partisans d'Aït Ahmed et même des “dissidents” assez étranges par l'absence d'un parcours politique ou militant en Algérie. Qualifiée d'un autre “âge”, la charte mise en branle depuis quelques semaines procède, à leurs yeux, “d'une politique d'oubli forcé” qui bénéficie d'une complaisance des chancelleries occidentales. Ayant, durant des années, tenté de travailler les puissances occidentales afin de “conditionner” l'aide à l'Algérie sous le seul prisme des droits de l'Homme, ce lobby avait échoué à drainer derrière ses thèses les groupes d'intérêts occidentaux. Cette démarche inacceptable est clairement confortée et cautionnée par nombre de dirigeants des grandes démocraties occidentales. Motivés essentiellement par des considérations économiques, ils mettent en avant le “péril islamiste”, écrivent-ils, enfin. Cette pétition intervient bizarrement alors que des pressions, œuvre de quelques médias occidentaux et certaines ONG, s'exercent sur Alger. Il y a quelques jours, le CPJ (The Committee to Protect Journalists), une organisation américaine de défense de la presse à travers le monde, a écrit au président de la République lui demandant le retrait du “décret du 27 février” au motif qu'il empêche “l'investigation et l'écriture de l'histoire”. En France, des journaux à l'image du Monde, Libération ou encore Le Figaro se sont donné le mot pour relancer cette semaine les interrogations sur l'identité des “auteurs” de l'assassinat des sept moines de Tibhirine, dans la wilaya de Médéa, en 1996, et dont on célèbre ces jours-ci l'anniversaire de leur disparition. Hasard du calendrier, concours de circonstances ou timing calculé ? Confusément, il y a comme qui dirait une relance du “Qui tue qui ?”, cette phrase passée à la postérité et qui jetait la suspicion sur les véritables auteurs de certains massacres commis durant la décennie écoulée. Hostiles à la démarche actuelle du régime, certains signataires de la pétition, à l'image d'Aït Ahmed, lequel fut partie prenante du contrat de Sant'Egidio (rencontre organisée par la communauté catholique de Sant'Egidio et qui avait regroupé l'ex-FIS, le FFS, le FLN version Mehri, le MRN et le PT), avaient plaidé pourtant pour la réconciliation dès le début de la crise Paradoxalement, en ce temps-là, c'étaient les autorités qui étaient… hostiles. Mais il faut dire qu'aujourd'hui, la charte, dont l'élaboration a péché par l'absence d'une large concertation et d'association de toutes les sensibilités qui traversent la société, semble avoir mis sur la touche les tenants du “Qui tue qui ?” qui n'arrivent pas à se repositionner dans le contexte d'une paix qu'ils ont eux-mêmes défendue durant des années. Ce qui rend leurs pressions assez dépassées au regard de l'évolution intérieure et des contingences diplomatiques actuelles. LES PROPAGANDISTES DU “QUI TUE QUI?” Mohamed Samraoui Le félon du DRS Se présentant comme colonel des services secrets, alors qu'il a déserté les rangs de l'armée avec le grade de commandant, Samraoui a été de toutes les campagnes menées contre l'ANP. Ancien attaché de sécurité à l'ambassade d'Algérie à Berlin, il est devenu la coqueluche des partisans du “Qui tue qui ?” que son passé d'ancien officier a contribué à faire paraître comme une source “crédible” pour les islamistes de ce qui s'est déroulé lors de la décennie rouge. Mais comme l'ancien sous-officier Habib Souaïdia, son livre a été un fiasco d'édition et ses thèses sont tombées en désuétude. Amateur d'échecs, il a davantage servi de pion à des théories alarmistes sur l'Algérie qui ne se sont pas vérifiées. Mourad Dhina Le cerveau du FIDA Stratège de l'aile djaz'ariste à l'étranger, cet ancien de l'ex-FIS, qui n'avait pas de rôle majeur dans la nébuleuse islamiste, est devenu, grâce à son compagnonnage avec Abbès Aroua et Rachid Mesli, deux spécialistes de la propagande islamiste, un élément incontournable des dirigeants de l'ex-FIS à l'étranger et fondateur du FIDA, groupuscule spécialisé dans l'assassinat des intellectuels algériens. Opposé à Rabah Kébir, son nom a été entaché dans diverses affaires (trafic d'armes avec le GIA, allégeance à des “émirs”, réseau Ressam aux Etats-Unis) qui lui ont valu des avertissements des autorités suisses, pays où il exerce en tant que chercheur en nucléaire. Autorisé à rentrer, il continue à préférer demeurer un “réfugié politique” assez bien rémunéré. Mohamed Larbi Zitout Le diplomate islamiste Ancien attaché consulaire à l'ambassade d'Algérie à Tripoli, cet ancien diplomate a profité de son poste pour rejoindre Londres où l'attendait son cousin qui n'est autre que Kamredine Kherbane, chef des Afghans algériens. Les islamistes lui ont promis d'être le futur ministre des Affaires étrangères dès l'arrivée du FIS au pouvoir. Orateur de talent, il s'est mis au service du clan de Genève et du MAOL, une organisation fantôme d'officiers déserteurs de l'ANP, pour distiller des contrevérités criantes sur l'Algérie. Son ami londonien n'est autre que l'ancien Premier ministre Abdelhamid-la-Science, celui qui a mis l'économie algérienne à genoux sous Chadli Bendjedid. Anwar Heddam L'islamiste du FBI Cet universitaire tlemcénien vit encore protégé aux Etats-Unis. Longtemps considéré comme alternative politique avec la ratification du pacte de Sant'Egidio, sous les auspices américaines et du Vatican, il a servi de carte politique au FBI pour connaître les réseaux islamistes algériens à l'étranger. Mis en sourdine par les Américains après l'attentat du boulevard Amirouche, son extradition est tombée à l'eau sous les effets de la charte. Heddam en a paradoxalement refusé le contenu en compagnie de Dhina et milite plus que jamais pour l'instauration d'un Etat islamique. La caution américaine en moins. NacEra Dutour Portée disparue Cette dame est devenue la voix des disparus algériens. Elle a émergé à la faveur du récit ambigu de son frère, Yous Nasrallah, ancien habitant de Bentalha, lorsqu'il a raconté une version rocambolesque du massacre de 1997. Depuis, Mme Dutour a pris en charge le dossier des disparus en divisant les rangs des familles et en internationalisant cette question. Déçues de son traitement, les familles des disparus ont, pour la plupart, préféré adhérer au contenu de la charte de crainte d'être instrumentalisées politiquement. KARIM KEBIR