La wilaya de Tipasa compte plus de 2 800 véhicules de transport en commun et environ 70 000 places réparties entres les lignes nationales, inter-wilayas, urbaines et rurales. Ceci, côté chiffres. Côté pratique, la problématique est plus complexe. Le transport public évolue dans une anarchie totale. Qui se souvient de cette époque où les grandes villes du pays avaient leur propre régie communale de transport urbain ? Même en nombre insuffisant, les bus étaient tout de même tenus dans un état de fonctionnement convenable et les règles d'hygiène étaient observées. Chauffeurs et receveurs portaient l'uniforme et honoraient leur fonction pour laquelle ils avaient été formés. Le voyageur était respecté. Aujourd'hui, le métier est ouvert à tout le monde et l'on est passé à un libéralisme débridé, après un dirigisme des plus étroits. Aucun pays ne peut se targuer d'avoir autant libéré un secteur aussi vital. Du jour au lendemain, ce service hautement public est devenu accessible à qui voulait l'exercer, faisant fi de toutes les normes réglementaires. Des véhicules n'ayant rien à voir avec le transport de voyageurs ont été sommairement aménagés, récupérés de ferrailles d'outre-mer, ils génèrent des encombrements tout en dégageant des panaches de fumée noire, accentuant une pollution déjà importante. Ces engins sans pilotés par des jeunes sans expérience, à l'origine de nombreux accidents, parfois mortels. Certains ne cultivent aucune considération à l'égard des usagers et se montrent insolents dans leur allure et leur comportement. À la moindre objection, la réponse fuse aussitôt : “Si tu n'est pas content prend un taxi !” Même si le secteur à Tipasa est doté d'un parc roulant en quantité suffisante, il n'en demeure pas moins que ce dernier reste livré à lui-même. À titre d'illustration, la Direction des transports de la wilaya ne dispose d'aucun plan de circulation et une grande partie des conducteurs n'as reçu aucune formation, voire pas la moindre recommandation. Plus grave encore, ces privés, qui constituent désormais une corporation, semblent avoir pris conscience qu'ils sont en position de force du fait qu'ils détiennent le monopole et qu'ils sont en mesure de paralyser la vie économique de la wilaya si jamais il leur arrivait de débrayer. Aussi, ne manquent-ils pas de brandir cette menace à chaque velléité des pouvoirs publics de mettre un peu d'ordre. Les transporteurs publics ont, semble-t-il, oublié que s'ils ont des droits, ils ont également des devoirs. Rachid Lounas