Cette visite intervient au moment où les relations bilatérales entre Alger et Le Caire connaissent une crispation. Les présidents Abdelaziz Bouteflika et Hosni Moubarak ont eu, hier à Alger, des entretiens en tête-à-tête, lors desquels ils ont “examiné les résultats du Sommet arabe de Khartoum”, a indiqué le porte-parole officiel de la présidence égyptienne, M. Soleïmane Awad, à l'issue d'une visite éclair du chef de l'Etat égyptien à Alger. Une visite qui, du reste, n'avait été annoncée officiellement ni au Caire ni à Alger. Dans une déclaration à la presse, M. Awad a affirmé que la venue de Hosni Moubarak à Alger était rendue nécessaire, suite à son absence au dernier Sommet arabe de Khartoum en raison d'“engagements internes”. Les chefs d'Etat et souverains arabes, qui avaient pris part à cette réunion dans la capitale soudanaise, avaient notamment abordé la crise du Darfour et de nombreux observateurs arabes expliquent la défection de M. Moubarak à ce sommet par un certain désaccord du Caire quant à une implication de tous les pays arabes dans la recherche d'une solution à la crise qui secoue le sud du Soudan. L'Egypte, en tant que grand voisin du Soudan et néanmoins “leader du monde arabe” souhaiterait avoir la main haute sur l'avenir de ce pays et, pourquoi pas, garder exclusivement pour soi le rôle d'interlocuteur des puissances occidentales, et notamment de la Maison-Blanche, qui font désormais du Darfour une des questions clés de leur agenda. Cela amène d'ailleurs les mêmes observateurs arabes à considérer que les résolutions du Sommet de Khartoum sur ce dossier viennent quelque peu tardivement, les USA, la France et la Grande-Bretagne s'en étant mêlés entre-temps. Toujours est-il que, selon le porte-parole de la présidence égyptienne, les entretiens entre les présidents Moubarak et Bouteflika ont porté essentiellement sur “l'évaluation des résultats du sommet” et sur “les moyens à même de concrétiser ses résolutions”. Le porte-parole de la présidence égyptienne n'a d'ailleurs pas manqué d'évoquer la situation au Darfour et “son impact aux plans régional et international”, ajoutant que Le Caire et Alger vouent “une importance particulière à cette question”, sans toutefois omettre de faire savoir que d'autres sujets ont figuré au menu du tête-à-tête, tels que les relations libano-syriennes, soulignant que les deux chefs d'Etat “accordent un intérêt particulier à la normalisation des relations” entre Beyrouth et Damas. La situation en Irak et les derniers développements intervenus sur les scènes palestinienne et israélienne à la faveur de la formation d'un nouveau gouvernement palestinien sous la direction du mouvement Hamas et après les législatives israéliennes le 28 mars 2006. Autre sujet non mois important qui, sans doute, a décidé Hosni Moubarak à effectuer cette visite surprise à Alger, est l'organisation du prochain sommet arabe prévu initialement à Riyad, en Arabie Saoudite, mais qui se tiendra, selon M. Awad, à Charm El-Cheikh, en Egypte “sous la présidence saoudienne”. Aucune explication, néanmoins, sur ce changement. Encore une question de leadership ? “L'important, c'est de veiller à la périodicité des sommets arabes et à l'application des décisions qui en découlent”. Viennent enfin les questions bilatérales qui ne semblent pas avoir eu droit à la part du lion lors des discussions entre les deux chefs d'Etat. Elles paraissent même avoir été totalement éclipsées par les enjeux actuels aux plans régional et international. Et pour cause : si M. Moubarak a tenu à se faire accompagner par son ministre des Affaires étrangères et son ministre de l'Habitat, entre autres hauts responsables faisant partie de la délégation, on n'aura fait état d'aucune réunion de ces membres du gouvernement égyptien avec leurs homologues algériens. Cela dit, M. Awad a qualifié les relations entre les deux pays de “solides”, mais a reconnu toutefois qu'il restait à “hisser la coopération économique au niveau de la concertation existant dans le domaine politique”. Mais il faut bien admettre que même dans le domaine politique, ce n'est pas toujours la lune de miel entre Le Caire et Alger. Le Sommet arabe de mars 2005 à Alger avait révélé au grand jour le refus de l'Egypte de céder d'un iota sur sa qualité de “leader du monde arabe” et de meneur de la Ligue du même nom, une qualité frappée pourtant d'obsolescence, parce que non conforme aux enjeux du siècle, et que lui contestent du reste plusieurs pays arabes, étant désormais entendu pour tous que l'époque bénie du panarabisme de Gamel Abdenacer est révolue et, surtout, que l'Egypte elle-même est en butte à une situation interne qui ne la qualifie guère à un éventuel rôle de guide de “la nation arabe”. Saïd Chekri