L'ancien président de la Commission européenne, Romano Prodi, fait tomber le «Cavaliere». Usé par le pouvoir, le «Cavaliere» s'est vu signifier sa fin de mission par le peuple italien qui lui a préféré le plus prévisible Romano Prodi, -ancien président de la Commission européenne et politique au long cours- lors des élections législatives de ce dimanche remportées par la gauche qui revient ainsi au pouvoir après une éclipse de plusieurs années. Hier, dès la fermeture des bureaux de vote, les premiers sondages sorti des urnes, à l´issue de deux journées de scrutin, donnent une belle victoire à l´Unione, l´alliance des partis de gauche conduite par Romano Prodi, majoritaire dans les deux chambres avec une fourchette de 50 à 54% des suffrages exprimés, contre 45 à 49% pour la Maison des Libertés, la coalition de droite dirigée par Silvio Berlusconi. Sulfureux et dilettante, ce dernier avait par trop tiré sur la corde pour qu'elle ne vienne pas, un jour ou l'autre, à casser. Silvio Berlusconi -qui s'est totalement investi dans la campagne (il a, notamment, envoyé 50 millions de cartes personnelles luxueuses à chaque électeur italien l'invitant à le reconduire à la tête du gouvernement) pour conserver, vaille que vaille, la présidence du Conseil- a été en fin de compte désavoué par les Italiens qui ont montré à l'occasion qu'ils ont la mémoire longue et n'ont pas oublié les incartades du « Cavaliere » et ses déclarations à l'emporte-pièce, sans souligner qu'il a dirigé l'Italie comme s'il s'agissait de ses entreprises et de ses chaînes de télévision. De fait, M.Berlusconi laisse à son successeur, une économie italienne au rouge comme l'affirment les économistes qui estiment que l'économie de la péninsule se trouve dans un état critique. Romano Prodi et ses alliés héritent ainsi d´une situation économique catastrophique, avec une croissance nulle, un déficit public représentant 3,8% de son PIB et une dette estimée à 108% de son PIB en 2006. Le bilan économique piteux du gouvernement sortant, n'incitait toutefois pas à l'euphorie dans le camp de la gauche, dont les leaders se sont montrés circonspects, quoique d'aucuns estimaient que le chemin était en fait balisé pour le candidat de la gauche, Romano Prodi. Selon les premières projections données hier, Forza Italia, le parti de Silvio Berlusconi, reste le premier parti de la nouvelle opposition, mais n´a obtenu que 20 à 23% des suffrages contre 29,4% aux élections législatives de mai 2001.Ses alliés de la droite, Gianfranco Fini, chef de l´Alliance nationale, et Pierferdinando Casini, leader des catholiques centristes de l´UDC ont, en revanche, été laminés, écrasés en fait par la personnalité de leur flamboyant allié de Forza Italia. Les partenaires de la législature sortante auront à l'évidence des règlements de comptes à rendre alors que s'annonce une âpre lutte pour le leadership de la droite que le «Cavaliere» veut se réserver. La gauche se montrait hier prudente et attend la confirmation officielle de sa victoire, à l'image de la sérénité dont a fait montre dimanche, Romano Prodi qui, après avoir déposé son bulletin de vote, s'est déclaré «confiant, très confiant» observant que «beaucoup de gens vont voter avec beaucoup de sérénité et sans aucun problème, c´est vraiment une belle élection». Aussi, les commentaires, hier, étaient circonspects dans l'attente des résultats officiels. Ce qui n'empêcha certes pas des représentants de la gauche de dire leur satisfaction, comme Dario Franceschini, un des responsables du parti de la Marguerite (centre gauche): «Bien sûr, nous sommes satisfaits. L´Italie attend cela depuis cinq ans et elle le mérite, mais il faut rester prudent, très prudent». «La période de Berlusconi s´achève et une nouvelle période politique s´ouvre», s'est contenté de dire pour sa part Maurizio Migliavacca, membre du parti des Démocrates de gauche (DS, ex-communistes). Toutefois, à gauche, on est conscient qu'avec cette victoire les vrais problèmes vont commencer pour «Il professore» Prodi, d'autant plus qu'il aura la lourde tâche de faire la synthèse entre les divers programmes des «gauches» alors que des désaccords subsistent sur le programme commun. Les analystes italiens soulignaient hier qu'«il va lui falloir (à Prodi) démontrer sa capacité de former un gouvernement efficace avec un haut profil européen». Un politologue écrivait hier dans Il Foglio -journal dirigé par un ancien porte-parole de Silvio Berlusconi: «La qualité des ministres est la meilleure preuve que le centre gauche est en mesure de désigner des hommes capables de rassurer les marchés et de relancer l´économie nationale en l´extirpant du syndrome de la croissance zéro.» C'est dire le challenge qu'auront à affronter Romano Prodi et ses amis de la gauche, convaincre de leur capacité à diriger, remettre la péninsule sur le chemin de la reprise économique, rassurer les milieux financiers européens. Tout un programme, d'autant plus que M.Prodi, qui aura chaque jour à prouver ses aptitudes à gouverner, aura aussi à éviter les chausse-trappes, que ne manqueront pas de lui poser ses adversaires politiques et sans doute aussi ses amis.