L'Italie se prépare à vivre une période de sérieuses turbulences après la victoire étriquée de la gauche aux législatives, car Silvio Berlusconi et ses alliés ont annoncé leur intention de l'empêcher de gouverner. Dix jour après la consultation, Silvio Berlusconi a admis la défaite. Mais il l'a fait à sa manière, de façon détournée, sur un mode agressif et sans la reconnaître. «Je n'ai pas appelé et je n'appellerai jamais Prodi au téléphone, car je devrais alors lui souhaiter de bien gouverner, mais ce serait contraire aux intérêts du pays», a-t-il déclaré vendredi soir à Trieste (nord-est), où il s'était rendu pour clore la campagne de son parti Forza Italia pour les élections municipales prévues aujourd'hui dans cette ville. «Si nous faisons le total de tous nos votes, la “Maison des libertés” (nom de la coalition de la droite) l'emporte sur celle de la gauche de 200.000 votes. Nous sommes donc les vainqueurs moraux et politiques», a-t-il soutenu. «Je ne crois pas que ces messieurs pourront vraiment gouverner», a-t-il dit. «L'expérience du pouvoir de la gauche sera seulement une parenthèse et nous utiliserons toutes les règles parlementaires pour les neutraliser et ne pas leur permettre de massacrer toutes les réformes que nous avons faites», a-t-il annoncé. Silvio Berlusconi a la défaite amère, car il a perdu à cause des règles qu'il a lui-même imposées dans la réforme du mode de scrutin élaborée par son gouvernement et adoptée par sa majorité parlementaire six mois avant les élections. Le système des primes au vainqueur a en effet permis à l'Union de la gauche dirigée par Romano Prodi de s'assurer une majorité de 340 élus à la Chambre des députés et de compter 158 élus sur 315 au Sénat contre 156 pour la droite. Mais cette victoire est jugée «médiocre», hier, par le politologue Sergio Romano dans le Corriere della Sera, qui estime qu'elle porte en elle les germes d'une impossibilité de gouverner et à terme d'une défaite. Silvio Berlusconi le sait et pour cela, il annonce une opposition dure. «Au Sénat, Prodi a une majorité aléatoire, menacée par les ennuis de santé, les incidents de parcours et les inévitables dissensions», explique Sergio Romano. C'est un problème, car «le bicaméralisme en Italie est si parfait qu'il permet à une chambre de renvoyer le travail fait par l'autre», précise-t-il. Or, les dissensions de la gauche sont déjà sur la place publique. Clemente Mastella, chef de l'Udeur, un petit parti centriste et catholique, réclame le ministère de la Défense et a menacé vendredi de ne pas voter certains projets de lois du programme de l'Union de la gauche, notamment la reconnaissance des unions homosexuelles. «Nous sommes décisifs au Sénat», a-t-il rappelé. L'Udeur a trois élus. Soit assez pour faire tomber un gouvernement qui a une majorité réduite de deux voix sur l'opposition et doit compter sur l'appui de quatre des sept sénateurs à vie. Romano Prodi oppose à toutes ces déclarations de guerre un calme imperturbable. Mais l'ancien président de la Commission européenne sait qu'il joue son crédit sur le plan national et international. Il procède lentement, tant sont nombreuses les mines posées sur son chemin par ses ambitieux partenaires, tous rivaux les uns des autres. Ils ont déjà fait chuter son premier gouvernement en 1998, deux ans après sa victoire aux législatives contre Berlusconi. La formation de son équipe sera le premier test de son autorité. La nomination d'un banquier renommé, Tommaso Pado Schioppa, à la tête du ministère de l'Economie, est pratiquement acquise et devrait apaiser les craintes des instances financières internationales, préoccupées par la situation des comptes publics italiens laissée par Silvio Berlusconi.