Sénateur, du même parti que le Président, Arlen Specter interpelle officiellement Bush pour qu'il se justifie dans l'affaire “Plamegate”, comme l'appelle désormais la presse US. “Je pense qu'il est indispensable que le Président et le vice-président disent au peuple américain exactement ce qui s'est passé”, a déclaré dimanche soir le président de la commission judiciaire du sénat sur la chaîne d'informations Fox News. “Ce n'était pas une chose à faire, car nous ne devrions pas avoir de fuite dans le gouvernement”, a ajouté le sénateur. Même s'il a reconnu que le président Bush pourrait avoir l'autorité de déclassifier certaines informations pour les donner à la presse, Arlen Specter a néanmoins insisté pour que la vérité soit connue dans cette affaire. “Nous devons savoir toute la vérité sur cette affaire de manière à ce que les Américains puissent en juger par eux-mêmes”, a-t-il affirmé. Cette sortie médiatique intervient à la suite de la divulgation de documents judiciaires ces derniers jours par le procureur fédéral Patrick Fitzgerald dans le cadre d'une enquête sur la révélation illégale de l'identité d'un agent secret de la CIA, Valerie Plame. Le contenu de ces documents ne laisse planer aucun doute sur le fait que M. Bush a lui-même autorisé des membres du personnel de la Maison-Blanche à laisser filtrer sélectivement des informations à la presse contenues dans le National Intelligence Estimate (NIE), un rapport du renseignement ultra-secret remis quotidiennement au Président. Il y est clairement indiqué que Lewis Libby, ancien directeur de cabinet du vice-président Dick Cheney, a indiqué aux enquêteurs que ce dernier l'avait informé que M. Bush avait autorisé les fuites de certaines informations contenues dans le NIE. Pour rappel, la révélation de l'identité de l'agent de la CIA, Valerie Plame, interdite par la loi fédérale, avait pour but de discréditer son mari, l'ancien ambassadeur Joseph Wilson. Ce dernier avait remis en question, dans un éditorial publié dans le New York Times, l'affirmation de l'Administration Bush, selon laquelle l'ancien dictateur irakien Saddam Hussein avait cherché à acquérir de l'uranium au Niger pour développer des armes nucléaires, un des arguments-clés avancés par M. Bush pour justifier l'invasion de l'Irak en mars 2003. M. Wilson avait été envoyé au Niger par la CIA, la Centrale américaine du renseignement, pour vérifier si l'Irak avait réellement cherché à acheter de l'uranium, ce qui s'est révélé inexact. Mais l'Administration Bush avait apparemment ignoré son rapport. Par ailleurs, le faux contrat selon lequel le régime de Saddam Hussein avait tenté d'acheter de l'uranium au Niger a été fabriqué par deux membres de l'ambassade du Niger à Rome, pour un agent travaillant pour la Dgse française, a affirmé le Times dimanche dernier, citant des sources anonymes à l'Otan. Ce faux contrat, pourtant dénoncé comme un faux par l'Agence internationale de l'énergie atomique (Aiea) dès 2003, avant le déclenchement de la guerre en Irak, avait été à la base d'un des principaux arguments de Washington pour entrer en guerre contre le régime de Bagdad. K. ABDELKAMEL