Ne se contentant plus de communiqués pour dénoncer les propos du raïs égyptien, les autorités irakiennes passent à l'acte pour montrer leur ire en refusant de participer à une rencontre régionale sur la situation en Irak. Ibrahim al Jaâfari a annoncé, hier, que son pays a décidé de boycotter une réunion régionale au Caire, prévue aujourd'hui pour protester contre des propos du président égyptien Hosni Moubarak sur la loyauté des chiites irakiens à l'Iran. “Le Conseil des ministres a décidé de ne pas participer à la réunion des voisins de l'Irak prévue aujourd'hui au Caire”, a-t-il déclaré. Il a également indiqué : “Nous voulons par cette décision rappeler à nos frères la nécessité de soutenir l'Irak.” Cette réunion du Caire, prévue au niveau des ministres des Affaires étrangères, doit “examiner la situation interne dangereuse en Irak et appeler tous les Irakiens à mettre un terme aux violences”, selon Ahmed Abou Gheit, le ministre égyptien des Affaires étrangères, qui avait pris le soin d'affirmer que son homologue irakien, Hoshyar Zebari, allait y participer pour parler des “efforts pour mettre en place un gouvernement accepté par toutes les communautés irakiennes”. Outre cette nouvelle réaction officielle irakienne de réprobation, les chiites des pays du Golfe ont vivement critiqué les propos de Hosni Moubarak. Ainsi, du Koweït à l'Arabie Saoudite en passant par le Liban, les propos du président égyptien Hosni Moubarak sur la loyauté présumée à l'égard de l'Iran des chiites vivant dans les pays arabes ont été critiqués et rejetés à l'unisson par les dirigeants de ces communautés. Un analyste égyptien du centre Al Ahram pour les études politiques et stratégiques, Mohammad Sayed Saïd, a dénié au président égyptien le droit de “parler de divisions entre sunnites et chiites”. “C'était complètement déplacé”, a-t-il dit. “M. Moubarak était un homme qui pesait ses paroles prudemment, mais je pense que l'âge laisse ses marques”, a ajouté, sceptique, l'analyste égyptien. Ceci étant, le député koweïtien, Hassan Jowhar, a répliqué en affirmant que “ce sont des déclarations irresponsables (...) et elles ne servent qu'à inciter au conflit confessionnel”, et il a même exigé “des excuses officielles” au nom de sa communauté, qui représente environ le tiers des quelques un million de Koweïtiens. Le chef du Rassemblement des oulémas chiites au Koweït, Sayed Mohammad Baqer al Mahri, a été encore plus net. “Notre loyauté va toujours à nos pays. Nous sommes prêts à prendre les armes et à combattre tout agresseur qui les attaquerait”, a-t-il dit. “Les chiites ont réussi à expulser les forces israéliennes du Sud-Liban (...) alors que le drapeau israélien flotte en Egypte, le cœur de la nation arabe”, a lancé le député chiite koweïtien, Saleh Achour, en référence à la présence d'une ambassade israélienne au Caire. Même le Premier ministre koweïtien, cheikh Nasser Mohammed al Ahmad al Sabah, s'est porté garant de leur “patriotisme”. Face à l'armée irakienne de Saddam Hussein qui avait envahi l'émirat en août 1990, “sunnites et chiites avaient formé un seul bloc”, a-t-il déclaré. Les chiites représentent au total près de 12% d'une population autochtone de quelque 24 millions d'habitants dans les 6 monarchies pétrolières du Golfe (Arabie Saoudite, Bahreïn, Emirats arabes unis, Koweït, Oman et Qatar). “Mettre en doute la loyauté de tous les chiites vis-à-vis de leur pays est une injustice par rapport à l'histoire de ces chiites qui ont défendu leurs patries”, a averti un dignitaire chiite saoudien, cheikh Hassan al Safar. Au Liban, les deux mouvements chiites, le Hezbollah et Amal, ont demandé à M. Moubarak de corriger ses propos, affirmant dans un communiqué que “les chiites du Liban ont prouvé leur patriotisme, leur crédibilité et leur loyauté de par le sang versé au service de leur patrie et de leur nation”. K. ABDELKAMEL/Agences