Lors de sa tournée à Alger, le président Bouteflika avait prévenu ses ministres et les walis que la prochaine fois, il visitera des sites qu'on n'a pas programmés. À cinq jours de sa visite à Constantine pour la commémoration de Youm El-Ylm, la wilaya a prévu de lui faire visiter un site archéologique à El-Khroub appelé “mausolée de Massinissa”. Un site classé par l'Unesco qui est en train d'être complètement dénaturé à la grue de chantier. Un scandale. Le 6 avril dernier, le wali de Constantine a reçu une correspondance du ministère de la culture s'inquiétant des travaux de restauration et de restitution prévus autour du mausolée de Massinissa. La ministre de la culture, Khalida Toumi, avertissait dans sa missive : “Aussi, est-il formellement déconseillé de déplacer ces éléments avant de produire une étude déterminant le remontage définitif”. après avoir constaté que le relevé des pierres constitutives du tombeau qui jonchent le sol, date de près d'un siècle. La ministère de la culture indique également que le déplacement des pierres peut occasionner des brisures et une désagrégation et nécessite, de ce fait, la présence d'un “maître d'ouvrage spécialisé” qui doit être supervisé par l'Unesco. Car dans la précipitation et le désir de satisfaire le déplacement présidentiel, la wilaya de Constantine a omis de signaler que le monument est inscrit sur la liste indicative du classement des sites du patrimoine mondial de l'humanité par l'Unesco. D'autres travaux inconsidérés sont menés sur le mausolée pour éliminer les graffitis sur les pierres avec des produits chimiques dont la composition n'a pas été communiquée aux services archéologiques spécialisés, et qui peuvent endommager de manière irréversible l'intégrité physique du monument. De ce fait, Khalida Toumi a demandé au wali de Constantine “d'arrêter immédiatement les travaux en cours” et d'inscrire l'opération de restauration à l'indicatif du ministère, qui la prendrait en charge dans le cadre du financement du projet appelé “village numide” qui devrait voir le jour autour du site. La ministre de la culture a, selon nos sources, contacté l'Unesco qui s'est engagée à déléguer un expert avant le lancement de l'étude. La correspondance ministérielle clôturera sur une note pessimiste, indiquant que cette restauration engagée sans étude préalable risque de faire réagir l'Unesco, qui pourrait mettre à l'index l'Algérie. Or, cette lettre ne semble pas avoir eu l'écho escompté puisque jusqu'à la journée du 12 avril, les engins de levage continuaient de s'attaquer aux soubassements du mausolée, défigurant un patrimoine mondial, sans aucun respect des consignes du département en charge de ce monument historique. Constatations faites sur place, la manière avec laquelle les pierres sont déplacées peut entraîner son effondrement à tout moment. La loi qui est stricte à ce niveau, notamment la 98-04 portant protection du patrimoine culturel, stipule explicitement que ces travaux devaient être confiés à l'Agence nationale d'archéologie qui n'a pas été associée à cette opération. Ce scandale en plein jour devrait être exposé, la semaine prochaine, sous les yeux du président Bouteflika lors de son déplacement à Constantine. Reste à savoir, à la lumière de cette polémique, si la visite de cet ouvrage saccagé inconsciemment sera toujours programmée. Mounir B.