La population adulte de Saïda a, dans sa majorité, tourné le dos à sa visite. La visite du chef de l'Etat à Saïda, hier, a révélé, comme à Mascara, une importante fronde populaire. Mais, dans cette wilaya, la colère des citoyens est essentiellement dirigée contre le wali. 10h. Le cortège présidentiel arrive à la cité des 108-Logements promotionnels de Haï Nasr. Le président Bouteflika est là pour inaugurer et inspecter le type de construction de ces logements. Accompagné des responsables locaux de la wilaya de Saïda, le chef de l'Etat a eu à visiter l'ensemble des constructions de cette cité réalisée par la CNEP. En se dirigeant vers la prochaine étape, pour procéder à l'inauguration de l'annexe de 500 lits supplémentaires de la cité universitaire de Saïda, le président Bouteflika a été brusquement interpellé par quelque 50 habitants du bidonville D'har Echikh, situé à proximité de la nouvelle cité des 108-Logements. “Les gens sont très pauvres ici”, crie un homme avant de préciser : “Je suis un fils de chahid et je vis avec mes enfants dans un bidonville.” Brandissant sa carte d'identité, en regardant en direction du chef de l'Etat, l'homme martèle : “Monsieur le Président, tout ce qui est destiné aux pauvres, ils le prennent, eux ! Nous sommes vraiment fatigués de leur domination et de leur oppression.” L'allusion est claire : ce sont les autorités locales qui sont ainsi dénoncées. Mais le cortège présidentiel n'a pas prêté attention à la voix pourtant très audible du plaignant. Face à cette indifférence, ce dernier hausse le ton : “Monsieur le Président, ils nous ont écrasés et enterrés vivants ! N'a-t-on pas des droits dans ce pays ?” Un membre du protocole de la présidence s'approche de la foule en ébullition et lui lance coléreux : “Il faut vraiment que tu cries pour te faire entendre ?” Le vieil homme l'ignore et revient à la charge : “Ce n'est pas possible qu'on nous laisse moisir dans ces bidonvilles et qu'en même temps on nous bâillonne !” Rachid Maârif, le chef du protocole, s'approche de la foule et lui demande de dégager un représentant qui pourra faire part au Président des “problèmes du bidonville”. Et c'est le vieil homme qui sera choisi pour parler au nom de ses pairs. Une fois face au Président, il lui dit sur un ton incisif : “Rahoum hagrouna ya sid erraïs.” “Est-ce que c'est le wali qui vous a malmenés ? Est-ce que c'est le wali qui ne travaille pas ?”, interroge le Président. “Ils ne nous ont rien donné, ils nous ont piétinés monsieur le Président”, répond l'habitant du bidonville. Bouteflika l'interroge de nouveau : “Si on enlève ce wali, accepteras-tu de devenir wali ?” “Non !”, tranche le vieil homme. Bouteflika poursuit : “Je sais qu'à Saïda il ya 7 quartiers de bidonville. On ne peut pas les prendre en charge tous pour le moment. Je peux te dire qu'on s'occupera de deux ou trois tout au plus.” Non satisfait, le citoyen affiche alors une mine triste. Bouteflika se fait alors avenant : “Aie confiance en moi et, moi, j'aurai confiance en toi.” Au vieil homme toujours récalcitrant, le Président ajoute : “Il faut m'aider. Et si tu ne veux pas m'aider, je trouverai ceux qui pourraient le faire.” Et d'enchaîner : “Tu as dit du wali ce que ne pensent peut-être pas les autres. Alors, demande-lui pardon !” “Mais ils n'ont pas travaillé pour le pays !”, insiste le vieil homme, tout en soulignant : “Ils ne nous ont pas donné nos droits.” Bouteflika revient à la charge et demande au représentant des habitants du bidonville “d'embrasser le wali”. Ce dernier a serré la main aux membres du protocole et le wali n'aura pas droit à ses congratulations. “Non ! Non ! Je ne pardonne pas au wali !”, dit-il fermement malgré l'insistance de Bouteflika. Des sources locales affirment que le wali de Saïda, Saâd Agoudjil, ne doit pas être décrié pour sa gestion des affaires de la wilaya, puisqu'il n'est à sa tête que depuis deux années. Il n'en demeure pas moins que l'attitude présidentielle à son égard est plus que suspecte. M. Agoudjil est, dit-on, membre de la confrérie religieuse de la zaouïa d'Adrar et le président Bouteflika voudrait justement s'adjuger le soutien des zaouïas pour 2004. Il faut dire, par ailleurs, que, même dans la wilaya de Mascara, le président Bouteflika avait défendu le wali, bien que très décrié par la population. Abderrahmane Kadid, le wali de Mascara, est connu pour être un des fervents supporters de Bouteflika dans cette région. Des sources proches de l'exécutif de cette wilaya affirment que M. Kadid s'est personnellement investi dans la campagne de Bouteflika pour 2004. M. Kadid a, dans ce cadre, envoyé une instruction enjoignant aux chefs de daïra et aux commis de “bien recevoir le Président et de prendre en charge la préparation de sa visite de la meilleure manière qui soit”. D'autres sources affirment, par ailleurs, que le président Bouteflika, dans un prochain remaniement dans le corps des walis, compte démettre “tous ceux qui refuseraient de mettre l'administration à son service, pour sa candidature en 2004”. Cela étant, le reste de la visite présidentielle, hier, à Saïda s'est résumé à une série d'inaugurations, à l'exemple de celles d'une trémie sur la RN6, de la pose de la première pierre d'un centre de loisirs, de la pose de la première pierre d'un projet de 200-Logements. Le Président ne s'est pas offert un bain de foule, comme à son habitude. Il faut dire, à cet égard, qu'à proximité de tous les sites qu'il a eu à visiter, il a été accueilli surtout par des enfants. La population adulte de Saïda a, dans sa majorité, tourné le dos à sa visite. N. M. Point de presse de yazid zerhouni “537 milliards pour Saïda” Une enveloppe de 537 milliards vient d'être affectée par le chef de l'Etat pour le développement de cette wilaya touchée par le terrorisme, au terme d'une visite de 2 jours. C'est ce qu'a annoncé le ministre de l'Intérieur, Yazid Zerhouni, hier, au cours d'un point de presse. Les travaux publics, l'éradication des bidonvilles, le logement, l'éducation et l'eau auront été les secteurs les plus dotés par ce programme spécial de développement. Au chapitre logement, il faut retenir qu'un projet de 500 logements a été inscrit et que l'éradication de 7 bidonvilles sera lancée. Au chapitre eau, 2 projets d'adduction d'eau potable ont été aussi inscrits pour un montant de 9,5 milliards de centimes. Pour les travaux publics, une enveloppe représentant environ la moitié de celle octroyée, soit 255 milliards, a été allouée pour la réfection de 40 km de routes et l'ouverture de chemins communaux et de wilaya. Le cadre de vie du citoyen, lui aussi, n'est pas du reste, puisque il est inscrit dans ce programme la viabilisation de pas moins de 50 cités, qui seront dotées d'aires de jeux. L'alimentation en gaz naturel de 7 localités est inscrite pour un montant de 140 milliards. 8 000 foyers en bénéficieront, tout comme d'un programme d'électrification rurale. Concernant l'éducation et l'enseignement supérieur, à retenir la réfection de 46 établissements scolaires. En outre, 1 000 nouvelles places pédagogiques du palier universitaire ont été dégagées ainsi que 1 000 lits, en prévision de la rentrée 2004-2005. À signaler aussi que les secteurs de la jeunesse et de la culture profiteront de cette enveloppe. Ce programme permettrait la création de 4 200 emplois directs. A. B.