En dépit de sa renommée, la rue Larbi-Ben-M'hidi n'échappe pas à ce phénomène gravissime dû à la vétusté de ses immeubles. Il est 12h, Rafik, la trentaine, s'attable dans une cafétéria à la rue Larbi-Ben-M'hidi, non loin de la Grande-Poste. Aussitôt la commande passée, il commence à prendre son déjeuner. Il déguste dans son assiette à la fois l'odeur et le goût de la grillade et de la garniture qui l'accompagne. Hélas, la séance de dégustation ne durera pas longtemps. Le jeune homme n'aura pas le temps d'apprécier son plat culinaire. À brûle-pourpoint, il stoppe net la mastication. Il appelle le serveur. Que lui arrive-t-il ? Nauséeux, Rafik éprouve tout à coup une aversion pour son repas préféré. Il montre à son hôte du salon de thé, qui jouissait jadis d'une renommée dans l'ex-rue d'Isly, un objet de couleur noirâtre… non identifié. “Vous voyez bien ce que c'est ?” demande Rafik au garçon de salle. Avec un calme olympien, il lui fait savoir qu'il s'agit d'un… cafard qui a trouvé la mort à travers les différents aliments composant le plat. “Il faut faire attention à l'avenir”, renchérit-il avec une grande amabilité. Dépité, le serveur prend immédiatement l'assiette en présentant ses vives excuses à son client. Sans la moindre réprimande, celui-ci se lève et se dirige vers le comptoir. Oui, il s'est présenté à la caisse pour payer sa note ! Il ne manquerait plus que cela... Heureusement, le caissier, ayant reconnu la gravissime irrégularité d'un manque d'hygiène flagrant, il refuse de prendre l'argent du monsieur. Mieux, il lui propose un café en guise d'excuses. Un cafard dans un plat Chose que décline Rafik qui ne cherche qu'à évacuer les lieux, cet endroit dont l'apparence extérieure attire réellement les passants les plus insensibles à la bonne nourriture. La rue Larbi-Ben-M'hidi est l'une des plus fréquentées de la capitale. Cette artère demeure fière de sa notoriété. Ses commerçants pratiquent pour cela les prix les plus chers. Mais “toi qui brille de ton aspect extérieur qu'elle est ton for intérieur ?” dit le proverbe. La face cachée de cette allée constitue un véritable contraste aux apparences. Les locaux commerciaux, qui l'ornent de l'extérieur, la dévalorisent en revanche de l'intérieur. La vétusté des immeubles qui, rappelons-le, datent de la période coloniale, favorise l'apparition des cafards et autres insectes qui traversent nonchalamment les murs de ces lieux de commerce. Les prestataires de services tels que les restaurants, les pizzerias, les fast-foods, les salons de thé, les pâtisseries restent l'un des facteurs de cette dépréciation. Certains laboratoires où se préparent les repas souffrent, en effet, du manque d'hygiène. Cet état des lieux a été confirmé hier lors de la “descente matinale” des agents de contrôle de la Direction du commerce d'Alger (DCA) dans les principales artères d'Alger-Centre. Cette opération, qui se poursuivra aujourd'hui, est organisée en prévision de la saison estivale. À l'approche de l'été, est-il reconnu, de nombreuses maladies liées au manque d'hygiène apparaissent, notamment dans le domaine de l'agroalimentaire. Le non-respect des normes de préparation, de conservation ou de distribution provoque durant chaque été des milliers de cas d'intoxication alimentaire. La DCA appréhende ainsi cette problématique en mobilisant plus de 16 brigades, soit 45 contrôleurs venus même de la direction régionale. Outre la vérification du registre du commerce, les agents contrôlent les produits utilisés, les matières premières et leur date de péremption, l'étiquetage… La première halte est effectuée dans un salon de thé à la rue Larbi-Ben-M'hidi. Rien à signaler (RAS) dans ce salon… Hormis quelques remarques sur le port de la blouse par le caissier et l'inutilisation indispensable des restes de fromage, les agents semblent être globalement satisfaits de la gérance des lieux. Les mêmes observations sont, en outre, faites au gérant d'un autre salon de thé situé à quelques mètres plus loin. Néanmoins, le propriétaire d'un fast-food est convoqué par les contrôleurs pour samedi prochain à la DCA. Dans le procès-verbal, il est mentionné un manque d'eau chaude, des fuites d'eau, un réfrigérateur en panne, l'absence d'aération, le défaut d'éclairage et les moisissures des murs et du plafond. Les règles d'hygiène ne sont pas observées également dans une pizzeria et une pâtisserie situées sur la même artère, endroits où les cafards règnent en maître. L'été pointe petit à petit son nez, la vigilance de tous les consommateurs est de ce fait de mise. À bon entendeur… Badreddine K.