Au moment où le métier de libraire se perd dans les méandres de l'audiovisuel et de l'internet à haut débit, il existe à Tizi Ouzou une vieille librairie qui aura résisté aux aléas du temps et de la modernité. Ouverte le 16 avril 1936 dans l'avenue principale de Tizi Ouzou, et son registre du commerce de l'époque en fait foi, la librairie Cheikh fête donc, demain, ses 70 ans, ce qui constitue certainement un record de longévité en Kabylie et sûrement à l'échelle nationale. Après le grand-père Cheikh Ali, appelé familièrement à Tizi Ouzou Si Ali ou Cheikh, ce fut autour de son fils Cheikh Ahmed de prendre le relais jusqu'en 1984, avant que ses héritiers Si Ali, l'aîné, mais aussi Meziane, Omar, Tayeb et Ramdane ne perpétuent la tradition. De tout temps, les différentes générations tiziouziennes, qu'ils soient collégiens, lycéens, étudiants, enseignants, fonctionnaires ou simples citoyens, ont fait de la librairie Cheikh un lieu de rencontre, un espace de lecture et d'échanges littéraires ou journalistiques. Autrefois, on guettait le dernier train d'Alger à 21h pour s'arracher la presse étrangère du jour, qu'elle releva de la politique, des sports ou de la culture, alors que les quotidiens nationaux étaient disponibles dès les premières heures de l'aube, ce qui n'est malheureusement plus le cas aujourd'hui, malgré tous les moyens modernes d'imprimerie et de transport de grand tonnage. Omar Cheikh, qui a modernisé entre-temps la librairie familiale pour en faire une grande papeterie et un vaste espace “Multi-Livres”, organise régulièrement des ventes-dédicaces où Ali Dilem, Hakim Laalam, Hamid Grine, Elizabeth Shemla, Rachid Mokhtari, Mohamed Magani, Smaïl Goumeziane, Boudjemaa Karèche, Youcef Driss et autres Boukhalfa Bitam, pour ne citer que ceux-là et la liste est encore longue. “Nous ne ménageons aucun effort pour revaloriser le livre et l'acte de lire, mais les dernières restrictions en matière d'importation de livres commencent malheureusement à vider quelque peu les étalages et il est temps d'encourager justement la production et l'importation du livre utile”, dira à ce propos Omar Cheikh, qui ne rate jamais l'occasion de prendre part à la Foire nationale du livre à Alger et au Salon du livre à Paris, comme pour perpétuer la tradition de la plus ancienne librairie de Kabylie. Mohamed HAOUCHINE