Les ministres arabes des affaires étrangères, réunis ce week-end au Caire, ont été incapables d'aboutir à une position commune sur l'Irak. Pis, même la date du sommet réclamé par l'Egypte n'a pas été fixée. Le célèbre aphorisme qui affirme que “les Arabes se sont mis d'accord pour ne jamais s'entendre” s'est à nouveau vérifié à l'occasion de la réunion des chefs des diplomaties arabes au Caire, caractérisée par une cacophonie totale. Non seulement l'objectif initial de la rencontre, à savoir la désignation de la date du sommet des chefs d'Etat, n'a pas été atteint, mais les participants ont profité de l'occasion pour étaler au grand jour leurs divergences sur la question de l'heure, même si dans la déclaration d'ouverture des travaux hier lue par le ministre libanais Mahmoud Hammoud, ils proclament le rejet d'une guerre unilatérale contre l'Irak. Conciliants, certains diplomates ont réclamé plus de temps pour les inspections en Irak. D'autres s'en sont, par contre, violemment pris à Saddam Hussein, à qui ils reprochent d'être responsable de ce qui arrive à son pays, comme s'ils venaient de découvrir le fil à couper le beurre. La responsabilité du maître de Bagdad n'est un secret pour personne. Mais ce n'est sûrement pas le moment ni l'endroit pour débattre de ce point, l'urgence étant de trouver un moyen de sauver le peuple irakien du déluge de feu que lui destine George Bush. Si l'hostilité du Koweït vis-à-vis de Saddam Hussein est somme toute explicable par le fait qu'il a sa principale victime, rien ne justifie les profondes divergences sur le soutien qu'il faut apporter à la solution pacifique. En effet, au moment où la planète vit au rythme des manifestations contre la guerre, les responsables arabes, censés être les plus grands défenseurs du peuple irakien, sont là à échanger des reproches au lieu de proposer des solutions à même d'aider à une sortie de crise sans effusion de sang. Ils sont encore là à ressasser les phrases du genre “il convient d'appeler les frères arabes à expliquer avec franchise à l'Irak le sérieux de la situation”. Comme si Saddam Hussein pouvait ignorer la gravité de la menace qui plane sur son pays. Les intérêts des dirigeants arabes sont-ils à ce point inconciliables pour justifier leur désaccord sur une question avant tout humanitaire ? Il n'est un secret pour personne que de nombreux régimes arabes sont à la solde de la Maison-Blanche, notamment les monarchies du Golfe dont les fonds sont placés dans les banques américaines. Mais cela justifie-t-il leur silence coupable, alors qu'ils savent pertinemment qu'en cas de guerre contre l'Irak les conséquences seront graves pour leurs pays également ? Leur silence et leur politique de l'autruche, comme s'ils n'étaient pas concernés par le conflit, demeurent une énigme pour les observateurs. En attendant que les régimes arabes accordent leurs violons, la mobilisation à travers le monde contre l'usage de la force en Irak commence à donner ses fruits. Tony Blair, acculé par la plus importante marche contre la guerre jamais organisée à Londres, ne veut apparemment pas courir le risque de ruiner sa carrière politique. Le chef du gouvernement britannique modère quelque peu sa position en déclarant lors d'une réunion du parti travailliste à Glasgow que davantage de temps sera accordé aux inspecteurs de l'ONU pour achever leur mission. Même George Bush tempère son ardeur à en croire les déclarations d'une porte-parole de la Maison-Blanche, Jeanie Mamo. “Le président considère l'usage de la force comme un dernier recours”, a-t-elle affirmé avant d'ajouter : “Il espère toujours un dénouement pacifique, mais cela dépend de Saddam Hussein.” Quant aux nombreuses manifestations qui ont rassemblé des millions de personnes à travers le monde contre la guerre en Irak, Jeanie Mamo dira : “Le président est un fervent partisan de la liberté et de la démocratie, et l'une des valeurs démocratiques auxquelles nous tenons est le droit de se rassembler pacifiquement pour exprimer nos opinions.” Dans ce climat d'apaisement relatif, l'Otan s'attelle à trouver un compromis sur le problème qui la divise, à savoir l'aide à fournir à la Turquie dans l'éventualité d'une guerre en Irak. En Europe, la France, l'Allemagne et la Belgique préparent une déclaration commune sur la question irakienne à l'occasion du prochain sommet de l'Union européenne. Sur le terrain, les inspecteurs poursuivront leurs opérations de contrôle. Ils ont ainsi visité samedi les chambres souterraines de l'ancien site nucléaire irakien de Tuwaitha. K. A.