Pour voir le livre à l'honneur, même pour une seule journée l'an, il faudra attendre certainement d'autres années généreuses en bonnes feuilles. “Nous en sommes encore à célébrer la tomate et l'olive. Quant au livre…” Et lorsque c'est le directeur de la Bibliothèque nationale d'Algérie qui se montre lui-même à ce point aigri, l'éternelle question de savoir quelle place tient ce vecteur de la connaissance chez nous devient davantage légitime. Hier, à l'occasion de la célébration de la Journée internationale du livre, Amine Zaoui a dressé, malgré quelques petites satisfactions, un constat qui oblige au “pessimisme” et selon lequel “les Algériens sont des lecteurs passagers qui n'entrent dans une librairie que par coïncidence”. À cette condition de lecteurs provisoires de livres à l'existence durable, le directeur de la Bibliothèque nationale pense que c'est à l'école, peuplée de 8 millions d'écoliers, qu'il faut chercher la cause. “Aucune bibliothèque scolaire n'est mise à la disposition de cette armée d'écoliers. Et lorsque des livres existent dans des écoles, leur contenu est dangereux. Le ministère de l'Education nationale en porte l'entière responsabilité.” Une fois devenus adultes, ces ex-élèves ne trouveront aucune bibliothèque dans leur quartier. Simplement parce que ces structures ne font plus partie du paysage de leur quartier. “Les six cents bibliothèques municipales qui existaient dans les années 1960 et 1970 ont disparu. Lorsqu'il arrive qu'il y en ait une dans un quartier, les riverains, même universitaires, ignorent jusqu'à son existence.” Amine Zaoui, qui est également écrivain, a usé d'un langage qui tranche avec les discours habituellement servis lors des célébrations officielles. Cela laisse espérer, peut-être, que passée la saison “de la tomate et de l'olive”, est enfin arrivée la saison des paroles franches. SAMIR BENMALEK