Les représentants syndicaux scandinaves sont venus faire la promotion d'un dialogue renforcé entre les entreprises et les syndicats, seul à même de pérenniser l'emploi, selon eux. Est-il logique d'engager un dialogue social entre les collectifs de travailleurs et les patrons d'entreprise privée, alors que bon nombre de ces entreprises sont qualifiées d'“archaïques”, parce que refusant encore la création de syndicats encourageant le travail au noir et pratiquant l'évasion fiscale ? Cette question, somme toute réaliste, n'a pas hélas été du goût du président de la Confédération générale des entreprises algériennes (CGEA). Le responsable patronal s'est d'ailleurs élevé contre le concept d'archaïsme, en précisant que son organisation s'est engagée dans “un dialogue fécond pour résoudre les problèmes entre les chefs d'entreprise et les syndicats”. Habib Yousfi s'est néanmoins vite rattrapé et a même tenté de briser le tabou, même s'il a justifié cet “archaïsme ou déstabilisation” du privé algérien par la seule existence d'un “système socialiste qui a cassé toute façon d'entreprendre”. Présidant hier un séminaire à l'hôtel El-Aurassi, sur “la privatisation et l'autonomisation d'entreprises dans le contexte de la transition”, auquel ont participé des représentants du patronat et de syndicats algériens (UGTA) et suédois, ainsi que l'ancien ambassadeur du royaume de Suède à Alger, le patron de la CGEA a également évoqué l'expérience du privé “dans le cadre de la construction de l'économie de marché”. Il a rappelé que la revendication “essentielle” de sa confédération, exprimée dans les années 90, reposait sur une demande “des réformes”. “Dans notre démarche, nous avons aussi inscrit le dialogue avec les pouvoirs publics”, a déclaré Habib Yousfi. Venue faire la promotion du “dialogue du marché du travail” (DMT) pour éventuellement aider les Algériens à traverser cette période transitoire vers “le capitalisme”, la partie suédoise a convenu que ce dialogue entre employeurs et syndicats participe grandement au “renforcement de l'entreprise”. “L'emploi doit être fondé sur un bon système d'impôts. C'est le capitalisme. Mais, on a cependant pris des mesures sociales”, a révélé un représentant du patronat suédois, précisant aussi que le dialogue entre les deux parties est “appuyé par l'Union européenne”. “Si l'objectif est l'emploi, vous aurez le chômage. Mais, si vous visez les bénéfices, vous aurez l'emploi. Dans ce dernier cas, l'objectif recherché est d'avoir des compagnies qui font des bénéfices”, a-t-il noté en direction des participants algériens. Cette intervention, faisant écho à la précédente sur la nécessité de former des “médiateurs” pour mettre fin aux “grèves légales ou sauvages qui tuent la production”, a ouvert la voie à une polémique. “Est-ce que ces grèves que vous qualifiez de sauvage ne sont pas le résultat de l'absence du dialogue ?” s'est interrogée Mme Soumia Salhi, présidente de la commission nationale des femmes travailleuses de l'UGTA. Réponse d'un représentant des syndicats suédois : “Nous sommes d'avis que le DMT est une bonne chose. Cela ne veut pas dire que les patrons et les syndicats s'adorent, mais ce dialogue crée une situation dynamique. Nous nous respectons les uns les autres (…). Les employeurs sont très mal organisés ; ils ne sont pas disposés à discuter avec les syndicats sur les problèmes socioprofessionnels. Cela, nous l'avons constaté dans plusieurs cas. Mais, si nous sommes forts, ils sont obligés de discuter avec nous.” Le même intervenant a relevé plus loin que la mondialisation peut être considérée comme “une menace ou une possibilité”. “On essaie de l'aborder de façon intelligente. On tient des débats au sein des syndicats et on s'appuie sur la solidarité internationale, qui va devenir plus importante avec la mondialisation”, a-t-il indiqué, non sans reconnaître “les difficultés d'avoir des syndicats et des activités syndicales” dans les nombreuses petites entreprises suédoises. Débat à suivre aujourd'hui… Hafida Ameyar