C'est un tableau des plus noirs qu'ont dressé, hier, au cours d'une conférence de presse, les membres de l'Association des enseignants de tamazight au sujet de la situation de l'enseignement de cette langue dans la wilaya de Tizi Ouzou. “Contrairement au discours triomphaliste de quelques-uns de nos responsables qui galvanisent la population par le fameux enseignement de tamazight dans 16 wilayas du pays et les acquis arrachés durant la dernière décennie, la réalité est tout autre. Une réalité pesante dans laquelle l'enseignant est confronté, tout seul, à un mur infranchissable”, ont expliqué les membres de cette association. Et d'ajouter : “Enseigner tamazight dans les conditions actuelles relève du défi, car depuis son introduction dans le système éducatif algérien en 1995, les enseignants de cette langue ne cessent de subir toutes les entraves imaginables.” Les problèmes que rencontrent ces enseignants sont innombrables. Ils sont d'ordre socioprofessionnel, pédagogique et même politique, disent les animateurs de la conférence. “Le nombre d'enseignants de tamazight dans la wilaya de Tizi Ouzou est de 247, dont 191 sont des contractuels qui, dans leur majorité, ne sont pas payés depuis 3 ans, mais continuent, vaille que vaille, à dispenser leurs cours”, ont-ils souligné au sujet de la situation socioprofessionnelle des enseignants. Une situation que le ministre de l'éducation nationale a pourtant promis, à maintes reprises, de prendre en charge et ce, à travers l'ouverture de nouveaux postes budgétaires, mais qu'il n'a jamais concrétisé. Abordant le volet pédagogique, le président de l'association, M'henna Boudinar, mettra l'accent surtout sur le manuel scolaire de tamazight qui est, selon lui, “le plus cher des manuels est antipédagogique du fait qu'il est écrit dans trois caractères : en tifinagh, en latin et en arabe. Quant aux problèmes d'ordre politique qui se posent dans l'enseignement de tamazight, les enseignants les situent dans la généralisation, le caractère obligatoire et la promotion de cette langue qui n'existent que dans les discours officiels”. Nous nous retrouvons, 11 ans après, dans la même situation que celle de 1995. La généralisation de tamazight n'est même pas assurée au sein des établissements pilotes choisis lors de son lancement. “Dans toute la wilaya, il n'y a que 70 CEM sur 157 et 11 lycées sur les 57 que compte la wilaya où le tamazight est enseigné”, a annoncé le président de l'Association des enseignants de tamazigh, qui estime qu'“on ne peut parler de promotion de tamazight tant qu'il n'est ni généralisé ni obligatoire et surtout tant que l'enseignant de cette langue continue à subir les pires humiliations, telles que lorsqu'on le soumet à la constitution d'un nouveau dossier à chaque début de trimestre ou lorsqu'un enseignant de tamazight est affecté à un poste d'adjoint d'éducation ou d'OP 3”. Dans un souci de trouver des solutions à tous ces problèmes, les membres de l'association disent avoir favorisé la voie de la concertation avec la tutelle, en vain ! “Nos rencontres avec le ministre de l'éducation nationale n'ont donné lieu qu'à des promesses jamais tenues alors que celles avec le directeur de l'éducation n'ont jamais pu avoir lieu malgré nos multiples sollicitations”, conclura le représentant des enseignants de tamazight à Tizi Ouzou. Et face à une telle situation, les enseignants continuent à se demander quel avenir sera réservé à l'enseignement de tamazight ! Samir LESLOUS