Le chef de l'Etat est convié à la capitale de l'Andalousie, en tant qu'invité d'honneur, pour assister à l'ouverture du colloque consacré au 6e centenaire de la naissance de l'auteur de la Muqaddima. Le président de la République se rend aujourd'hui à Séville, en Espagne, pour assister, en tant que personnalité et invité d'honneur du roi Juan Carlos, à l'ouverture des festivités de célébration du 6e centenaire du décès du penseur et savant Abderrahmane Ibn Khaldoun, qui débutent le 19 mai et ce, jusqu'à la fin du mois de septembre prochain. Les manifestations se dérouleront au Real Alcazar (Palais royal) de Séville. L'invitation a été remise au Chef du gouvernement, Ahmed Ouyahia, par l'envoyé spécial du roi, le secrétaire d'Etat aux Affaires étrangères, Bernardino Leon. Au menu de cette célébration, des manifestations à caractère culturel et scientifique, des expositions, des conférences de chercheurs et ayant trait aux contributions de ce savant, né à Tunis en 1332, à la connaissance de son époque, particulièrement des deux côtés de la Méditerranée. Contributions que lui reconnaissent les chercheurs qui ont décelé dans son œuvre des connaissances en matière de sociologie, d'histoire, de sociolinguistique, d'anthropologie, de chronique, de philosophie, d'ethnologie, de médecine et de droit, d'autant qu'il avait occupé des fonctions politiques et juridiques. Cette rencontre, qui se veut également un hommage posthume, tournera donc autour des aspects économiques, sociaux et politiques à partir du XIVe siècle qui ont déterminé les pouvoirs en Méditerranée qui se reflètent dans le XXIe siècle. L'objectif de cette manifestation est, selon les organisateurs, d'analyser le XIVesiècle, de présenter l'œuvre d'Ibn Khaldoun et ses apports à la connaissance du monde musulman de son époque. D'autres manifestations ont déjà été organisées dans ce cadre. L'exposition intitulée “Ibn Khaldoun et la Méditerranée au XIVe siècle” — qui se décline sous les thèmes : “Le XIVe siècle : temps et espaces”, “La situation des Etats”, “Guerres et expansions”, “Commerçants et marchandises”, “Démographie et apocalypses”, “Géographie artistique”, “Profil historique et apports culturels d'Ibn Khaldoun (1332-1406)”, “Le chemin vers la Renaissance”, “Séville au XIVe siècle” — prévue dans le programme de Séville a déjà été organisée à l'Unesco et transitera ensuite par Paris. Par ailleurs, le 600e anniversaire de la mort du père de la Muqaddima a été au centre du colloque international, qui a duré deux jours, organisé par l'Université de Tiaret et qui a vu la participation de plusieurs chercheurs et enseignants venus de différents pays européens et arabes. En célébrant celui qui a créé un pont par son œuvre et son parcours entre l'Occident et le monde musulman — à travers différentes villes arabes, Tunis, Tiaret, et européennes, Paris, Séville — implicitement, la vue est recentrée sur une actualité marquée certes par une agitation, mais dont les acteurs, à l'image du président du gouvernement espagnol, M. Zapatero tente, à travers son initiative, dont il a donné les contours lors du Sommet d'Alger de la Ligue arabe de rétrécir les clivages entre deux univers, deux civilisations, deux cultures, l'Occident et le monde arabo-musulman, dont les liens ont été rompus. L'exemple d'Ibn Khaldoun vient à point nommé restituer la problématique en imposant une vision objective des perspectives des relations entre les deux “mondes”. En lieu et place du très péjoratif, subjectif et controversé “Choc des civilisations”, M. Zapatero a lancé l'Alliance des civilisations qui a vite fait de connaître un succès et une adhésion, y compris de l'ONU qui a institué et installé un comité des sages composé de 18 personnalités au mois de septembre 2005. Par ailleurs, le choix d'Alger pour annoncer l'initiative de l'Alliance des civilisations a été dicté, selon les observateurs, par l'intérêt qu'accorde l'Algérie à l'aspect culturel et civilisationnel dans la fondation des relations avec l'Occident d'une part. D'autre part, le sommet est intervenu à un moment où le débat sur “les civilisations”, entamé par les tenants de la radicalité exclusive commençait à s'exacerber. Il a été, ainsi, un moment de réconciliation, une ouverture vers la compréhension. Séville, qui a été l'autre patrie d'Ibn Khaldoun, amorcera, 600 ans plus tard, sur le fond d'une œuvre universelle, exemplaire et d'actualité, une nouvelle perception des deux univers dont les relations ont été jusque-là souvent sujettes à des conflits politiquement conjoncturels. La rencontre entre les universitaires, les chercheurs, les philosophes, les historiens et les hommes politiques remettra probablement ces passerelles et le débat dans un “terrain sain”. La qualité des personnalités invitées, présidents, rois… dénote, à bien des égards, une volonté de revenir à “des rapports équilibrés” entre les pays du pourtour méditerranéen. Djilali Benyoub