Une trentaine de personnes seulement ont assisté à la prière organisée dans la mosquée du cimetière musulman de Bobigny. Il n'y avait pas foule jeudi après-midi au cimetière musulman de Bobigny, perdu au milieu d'une zone industrielle de cette banlieue de Paris. À peine une trentaine de personnes, venues implorer la rahma pour la mamie dont la vie n'a pas été tendre mais qui s'en est vengée en n'ayant cure des tabous. Dans la minuscule mosquée, on a prié pour Rimitti. Ce nom qui dit mieux que tout son rapport avec l'existence n'est pas inscrit sur le cercueil recouvert d'un tapis vert orné de versets du Coran. Saâdia Bekkadhi née Bedief, 1923-2006. Le nom de la prêtresse des plaisirs interdits n'aura pas droit de cité dans la demeure éternelle. Avant le grand départ, on peut jeter un dernier regard sur son visage. On peut voir juste les yeux et cette bouche qui a tant déclamé. Un cheveu noir y descend. Rebelle. Des femmes écrasent une larme. Comme cheikha Rabéah. C'est elle qui remplacera la défunte mamie lors d'un concert programmé le 31 mai à Paris. Où sont les artistes, les raïmen qui ont allègrement puisé dans son art ? On peut voir Sahraoui, qui pense que “la culture algérienne a perdu un symbole”. On peut voir Houari Aouinet, qui pleure sous sa célèbre coiffe “le symbole de l'oranité”. Un peu à l'écart, le cinéaste Mahmoud Zemmouri. Il y a aussi le producteur Nourredine Gafaïti dans les bras duquel la diva est morte quand son cœur a lâché le lundi 15 mai. Une heure auparavant, elle se trouvait dans le bureau de la sénatrice Halima Boumediène, dans le 18e arrondissement de Paris. Rimitti habitait tout près, au boulevard Ney. “Elle disait qu'elle voulait me faire un au-revoir. Je pensais qu'elle allait en tournée”, se rappelle la sénatrice. Les deux femmes se connaissaient depuis 1986. Rimitti venait chanter pour l'association Expressions maghrébines au féminin. Elles avaient pris le thé ensemble le 14 mai. Le lendemain toute la planète raï s'était retrouvée autour de la mamie sur la scène du Zénith. Au cimetière de Bobigny, les stars n'étaient pas là. Les autorités officielles étaient mieux représentées. Il y avait le consul de Bobigny, celui de Pontoise, deux représentants du consul général et une représentante de l'ambassadeur. Les raïmen avaient peut-être moins de raison d'être absents mais tous les autres auraient dû être là. On ne les a pas vus alors qu'ils vivent en majorité à Paris. Dommage ! Y. KENZY