Le procureur général de la cour d'appel de Paris a confirmé, hier, à l'issue de deux journées de procès en appel, la condamnation du général Aussaresses à 7 500 euros d'amende pour les faits d'“apologie de crimes de guerre” suite à la parution de son livre Services spéciaux, Algérie 1955-1957. Une condamnation 15 000 euros d'amende (double) a été retenue contre les éditions Plon et Périn qui avaient édité le livre. Revenant longuement sur la définition de la notion d'“apologie de crimes de guerre”, la procureur générale a battu en brèche l'argumentaire avancé la veille par les avocats du général tortionnaire, à savoir qu'il ne puisse y avoir d'“apologie” pour des faits qui ne sont pas reconnus comme tels et qui ont fait l'objet d'une loi d'amnistie. A ce propos, la procureur générale tranche : “Au-delà de l'amnistie du 31 juillet 1968, la matérialité des faits demeure (...), la prescription n'étant qu'un obstacle à la punition pour les faits. Les moyens utilisés par la défense ne seraient être recevables.” Pour appuyer ses conclusions, la représentante du ministère public rappelle au général ses “faits d'armes”. Les pages incriminées se succèdent et les commentaires aussi. Et c'est justement, les commentaires des faits sur lesquels Aussaresses a insisté dans son livre qui lui sont reprochés, aujourd'hui. “Les commentaires du général sont au-delà de l'objectif annoncé qui est l'explication. Tout le propos du général tend à expliquer que, face à la menace du FLN, il n'y avait plus d'autres méthodes que la manière extrême. C'est une manière de légitimer et justifier la torture et les exactions sommaires.” De Larbi Ben M'hidi à Ali Boumendjel, en passant par les dizaines de prisonniers exécutés froidement, la procureur générale enfonce l'ancien militaire pour l'accuser, en fin, d'avoir refusé “une prise de distance”. “Un refus volontaire. C'est l'indifférence face aux souffrances des victimes, de leurs proches et familles”, a-t-elle expliqué. Pour “complicité d'apologie de crimes de guerre”, retenue comme chef d'accusation contre les éditeurs du livre, la procureur générale Me Marie-Jeanne Vieillard, résume sa pensée : “Le livre a été publié après plusieurs amputations. Il a été aussi assorti d'un avertissement aux lecteurs. La preuve qu'ils avaient conscience...” qu'ils étaient en plein dans l'apologie de crimes de guerre. Et contre eux, le verdict prononcé en première instance, le 25 janvier 2002, a été confirmé. Suite à quoi, la défense du général prend la parole pour plaider la relaxe de son client ainsi que celle des éditeurs. Quant à la défense, elle a joué sur l'émotion et le passé de résistant du général Aussaresses pour soutenir une hypothétique ligne de défense fragile et parfois prudente devant l'abominable conduite de leur client à Alger entre 1955 et 1957. Reste à savoir si le tribunal qui s'est mis en délibération dès hier s'alignera, dans son verdict, sur les conclusions de l'avocat général. On saura alors si le général, qui a presque regretté, jeudi, lors de la première journée, de n'avoir pu exécuter Djamila Bouhired, sera condamné ou si c'est “l'amnistie” qui fera le poids face à l'horreur. H. B.