L'autre jour, Alain Madelin répondait aux questions de Karl Zéro. Voici l'échange, en substance. Karl Zéro : “Puisqu'il s'agit de déposer les régimes dictatoriaux, à quand l'attaque contre l'Arabie saoudite ?” Madelin : “L'Arabie saoudite est un pays ami. Saddam est un dictateur dangereux qui développe des armes de destruction massive.” K. Zéro : “A quand alors l'attaque contre la Corée du Nord ?” Madelin : “La Corée du Nord possède l'arme atomique ; il serait dangereux pour l'Occident de l'agresser car sa riposte pourrait nous occasionner des dégâts.” Cet échange entre le journaliste de Canal + et le caricatural va-t-en-guerre français contre l'Irak résume la démarche de Bush et de ses alliés dans cet persévérante marche vers la guerre. L'Irak est plus ciblé parce que ce n'est pas un pays “ami”. Il n'est ciblé que du fait de la tyrannie de Saddam ; l'Irak est plus ciblé parce qu'il n'est plus apte à une riposte nocive ; que parce qu'il détient un inquiétant arsenal. Une pareille argumentation, outre qu'elle explique la détermination américaine, met Saddam en position de victime : il n'y a pas de précédent de “guerre préventive” qui se soit justifié comme telle. Et si le “monde libre” et… puissant veut imposer la prévention en matière d'armement, il faudrait peut-être préalablement codifier la nouvelle approche qui ne serait plus dédiée au seul Irak. La marche forcée vers la guerre qu'impose Bush au monde trouve de moins en moins d'adhérents du fait de cette option qui tient plus de l'obstination personnelle de Bush que de l'impératif sécuritaire. Et l'argutie faisant place à l'argument, c'est l'Irak, et indirectement Saddam Hussein, qui récolte les fruits de cette partialité, comme autant de providentielles sympathies pour le despote de Bagdad. On raconte au Canada l'incident, réel ou symbolique suivant : un bateau de guerre américain émet le message suivant au large du Canada : “Ici, bâtiment de l'US Navy, veuillez vous écarter de notre route.” Réponse : “Bâtiment de l'US Navy, vous courez le risque d'accident, veuillez changer de cap.” Navire US : “Ici bâtiment US Navy, veuillez vous dérouter. Dernier avertissement.” Réponse : “Ici, le phare… à bâtiment US Navy…” La machine est lancée. L'obstacle est néantisé. Pas plus que les contraintes physiques, les objections de droit ou de morale internationale n'y peuvent rien. La manipulation de la légitimité internationale est en train de tourner à la faveur de Saddam, du moins dans les opinions mondiales. Et Bush, même si sa résolution est intacte, devra se résoudre à faire une guerre, peut-être légale, mais certainement illégitime. M. H.