Fait rare, la presse marocaine s'est déchaînée dans des éditions spéciales contre la diplomatie du royaume. Dans son édition du 13 au 19 octobre, la revue La Vérité, sous le titre “La diplomatie des bisous et ses conséquences” donne le ton en précisant que “ce n'est pas un réquisitoire contre les personnes, mais contre l'inertie de la diplomatie marocaine, donc des responsables en charge de son pilotage…” À l'origine de cette levée de tollés, l'échec des tentatives du palais royal à faire passer son projet portant sur l'autonomie du Sahara occidental et la réaffirmation par l'ONU de la nécessité d'organiser un référendum d'autodétermination dans l'ancienne colonie espagnole. Une succession d'évènements qualifiée par les journaux marocains de “série noire”. Tout a commencé le 2 octobre dernier quand la Minurso, l'organe de l'ONU chargé de faire respecter le cessez-le-feu entre le Maroc et le Front Polisario, procède au baisser du drapeau marocain dans son quartier général de Laâyoune. Prétextant le souci d'impartialité, la Minurso a estimé que la présence du symbole national marocain pouvait poser problème. Deux jours plus tard, le commissariat des Nations unies aux droits de l'Homme rend public un rapport dans lequel il détaille les “abus commis au Sahara occidental” sous le régime du roi Mohammed VI. Rabat riposte en accusant le HCDH de proférer “des mensonges grossiers”. Le journal hebdomadaire s'interroge sur l'opportunité de cette réaction “pour un pays qui se veut dans une démarche constructive de résolution d'un conflit vieux de 30 ans”. Pour couronner le tout, le royaume chérifien empêche quelques jours plus tard une délégation du Parlement européen devant enquêter sur les questions humanitaires et des droits de l'Homme de se rendre à Rabat et à Laâyoune, estimant que le groupe des parlementaires européens était composé essentiellement de sympathisants de la cause du Polisario. Le journal l'Hebdomadaire reproche au régime marocain d'avoir agi à la dernière minute, sachant que cela faisait une année que la délégation en question négociait cette visite avec le Maroc qui multipliait les signes de bonne volonté. Evoquant une phase de diplomatie détricotée maille par maille, le journaliste de la revue La Vérité écrit : “Il est des signes qui ne trompent pas s'agissant de l'image d'un pays. Quand on en arrive à subir, sans discontinuité, des attaques de provenances diverses et que l'on réagit juste pour se plaindre et crier au complot extérieur, c'est que la diplomatie de ce pays et ses supposés réseaux s'emmêlent les pédales et souffrent d'un manque évident de vision d'horizon.” Cette publication poursuit : “Le rapport onusien du Haut-Commissariat des droits de l'Homme traduit une faiblesse de notre positionnement et souligne la perception réductrice avec laquelle nous sommes désormais abordés. Notre diplomatie en est responsable.” La presse marocaine reste très modérée vis-à-vis du roi Mohammed VI. “À trop mettre en exergue le caractère exclusif du domaine diplomatique pour n'y accepter que la souveraineté royale, on a fini par transformer — mentalement — nos ambassades en officines qui s'accommodent d'une austérité paralysante…” Nissa Hammadi