Curieusement, les commentaires faits par l'ancien ministre marocain de l'Intérieur, Driss Basri, sur le discours du roi Mohammed VI, prononcé à l'occasion de la célébration du 29e anniversaire de la Marche verte, n'ont suscité aucune réaction de la part des médias marocains. Ces derniers ont pris pour habitude de rendre systématiquement la monnaie de sa pièce à l'ancien homme fort du Makhzen chaque fois qu'il intervient dans les grands débats secouant le royaume. L'ancien vizir du roi Hassan II n'a pas pourtant pas été tendre à l'égard de la « politique sahraouie » du nouveau souverain. Son intervention, dimanche, dans le journal espagnol La Razon a eu pour effet de gâcher la fête et de lézarder le « nouveau » dispositif diplomatique mis en place par le Maroc pour reconquérir la communauté internationale. En se situant en porte-à-faux par rapport aux positions officielles du Palais, Driss Basri est devenu à la fois la bête noire et la cible privilégiée des journalistes marocains. La dernière sortie de Driss Basri sur la chaîne quatarie Al Djazerra, au cours de l'émission « Al-itijahe Al-mouakess », avait valu, rappelle-t-on, à l'ancien ministre marocain de l'Intérieur des articles au vitriol assortis d'une condamnation pour trahison. La cause ? Il a « osé » parler de Sahara-Occidental - au lieu de Sahara marocain - et de voir l'option du référendum d'autodétermination comme la seule issue au problème sahraoui occidental. Mais malgré la dureté des réquisitoires dressés à son encontre par les médias, l'ancien ministre de l'Intérieur ne donne pas, pour le moment, l'impression de se sentir inquiété. Au contraire, il multiplie tout autant les entretiens dans les grands titres de la presse internationale que les actes de défiances à l'égard de Rabat. Dans les faits, Driss Basri a pourtant toutes les raisons de s'inquiéter. Il est bien placé, sans doute, pour connaître le sort généralement réservé par le royaume aux voix discordantes, surtout lorsque celles-ci proviennent du Palais. le jeu des médias Et passant du statut de serviteur docile du Palais à celui de vizir félon, Driss Basri a néanmoins signé son arrêt de mort. Il est peu probable, cependant, qu'il subisse le même sort que celui réservé à Hichem Mandari, opposant marocain (ayant un lien de parenté avec le roi Mohammed VI) récemment assassiné en Espagne. Par rapport à Hichem Mandari, l'ancien ministre de l'Intérieur marocain a l'avantage d'être médiatisé. Driss Basri tire très certainement aussi son assurance de sa connaissance du fonctionnement du Makhzen, des frasques du Palais et des coups tordus des services spéciaux marocains. C'est d'ailleurs cette même connaissance de la tradition du royaume qui amènera Driss Basri à nier, lors de son passage à Al Djazerra, l'existence d'une tension sérieuse entre le Maroc et l'Algérie. Une tension qu'il imputera à des exagérations de presse. Connaissant parfaitement le fonctionnement des jeux des médias, Driss Basri a exprimé un avis d'expert (il révélera par la suite, en effet, que les deux pays n'étaient effectivement pas sur le sentier de la guerre). En ce sens, l'expérience acquise au Palais constitue pour lui une précieuse assurance vie. En qualité d'ancien chef de la police, Driss Basri dispose d'une messe de dossiers que les grandes ONG de défense des droits de l'homme seraient prêtes à acheter au prix fort. Surtout dans le contexte marocain actuel marqué par les dépassements enregistrés dans le cadre de la lutte menée par Rabat contre le terrorisme. Et c'est sans doute ce qui explique l'embarras, l'agacement et l'impuissance du Royaume. Et si aujourd'hui l'ancien ministre marocain de l'Intérieur considère que le rappel par Rabat de son refus de se conformer aux résolutions de l'ONU cocernant le règlement du conflit sahraoui est porteur de danger, il faut sans doute le prendre au sérieux.