Même si Washington parvient à obtenir les neuf voix nécessaires à l'adoption de sa “résolution ultimatum”, celle-ci sera bloquée par le double veto franco-russe, auquel pourrait également s'ajouter celui des Chinois. Ce qui était impensable il y a quelques mois, en l'occurrence un affrontement diplomatique entre les puissances mondiales, est aujourd'hui réalité. L'Irak divise la planète. Les Etats-Unis, qui pensaient avoir la destinée du monde entre les mains depuis la disparition de l'ex-URSS à laquelle ils ont grandement contribué, se retrouvent devant une situation pour le moins imprévisible avec cette montée au créneau de la France qui emmène dans son sillage la Russie et la Chine. Désarçonnée, l'Administration Bush défie le monde et annonce qu'elle se passerait de l'aval de l'ONU pour désarmer l'Irak. En attendant, la bataille fait rage au siège des Nations unies. Les Etats-Unis veulent s'assurer la majorité au Conseil de sécurité, tout en sachant que leur projet ne passera pas après l'annonce officielle de Paris et de Moscou d'user de leur droit de veto. Ceci dit, au vu des positions déjà exprimées des différents membres de l'organe exécutif de l'ONU, rien n'indique que la majorité est acquise à la nouvelle résolution. Le Pakistan, coincé entre l'opposition de son peuple à une guerre contre l'Irak et son engagement vis-à-vis des Américains, a préféré s'abstenir à en croire un haut responsable de ce pays. Si Islamabad fait réellement défaut, les pays partisans d'un désarment pacifique de Bagdad n'auront plus besoin que d'une seule voix ou d'une autre abstention pour s'assurer du blocage de la résolution souhaitée par Washington, Londres et Madrid. Cela démontre l'incapacité de George W. Bush de convaincre la communauté internationale de la nécessité du recours à la force pour désarmer le régime de Saddam Hussein. Le pire, selon les observateurs, est que les Etats-Unis n'apportent aucune preuve que l'Irak constitue une menace pour la sécurité internationale, ou régionale, encore moins pour la leur. La France, de son côté, ne ménage aucun effort pour faire capoter les pressions américaines sur les membres non permanents du Conseil de sécurité. Le chef de la diplomatie française a fait la tournée lundi des capitales des trois pays africains concernés, à savoir la Guinée, l'Angola et le Cameroun pour s'assurer de leur ralliement à la position de l'Elysée. Il apparaît clairement que ce sont les intérêts des uns et des autres qui déterminent les positions des principaux acteurs de cette crise irakienne. La date du vote est tributaire de la durée du débat public demandé par l'organisation des pays non alignés, qui a débuté hier. C'est le troisième débat public sur la question après ceux des 16 et 17 octobre 2002 et des 18 et 19 février 2003, toujours à la demande des non-alignés. Fermement opposée à une intervention militaire en Irak, la Malaisie, qui préside cette organisation, a écrit officiellement aux six pays membres non permanents du Conseil de sécurité pour leur demander de voter contre la guerre conformément aux recommandations du sommet qu'elle a abrité en février dernier. Ainsi, les prochaines journées seront déterminantes non seulement pour l'avenir de l'Irak et de la région du Golfe, mais pour la paix dans le monde. George Bush, dont l'avenir politique est tributaire de l'issue de la crise irakienne, violera-t-il la légalité internationale pour assouvir ses ambitions ? K. A.