Président de l'Ordre des médecins algériens, le Dr Bekkat Berkani Mohamed explique dans cet entretien le rôle du Conseil de déontologie et les limites de la responsabilité médicale. En six ans, il a affirmé que le conseil a reçu près d'une centaine d'affaires recevables. Liberté : Comment peut-on définir la responsabilité médicale ? Dr Bekkat Berkani Mohamed : Dans le code de déontologie, l'erreur, ou plus exactement la faute médicale, est définie comme une erreur qui n'aurait pas été commise par un médecin consciencieux et prudent dans son acte médical. Elle entraîne par conséquent une responsabilité professionnelle, administrative et juridique, qui peut être civile ou pénale. La faute médicale, c'est surtout une imprudence. La déontologie médicale, c'est l'ensemble des principes, des règles et des usages que tout médecin, chirurgien-dentiste ou pharmacien, doit observer ou dont il s'inspire dans l'exercice de sa profession. Cela veut dire que le médecin est directement responsable de l'acte médical qu'il donne à ses patients... Exactement. Mais il faut savoir que la médecine n'est pas une science exacte, même si elle tend de plus en plus à le devenir. Il faut prendre en considération les aléas thérapeutiques, les complications et autres facteurs. Il faut savoir que le médecin a obligation de moyens, mais pas de résultat. Dans le secteur public, c'est l'établissement employeur qui est responsable des moyens. Le médecin est libre de la prescription qu'il estime la plus appropriée en la circonstance. Dans toute la mesure compatible avec l'efficacité des soins et sans négliger son devoir d'assistance morale. Où se situe la responsabilité du médecin dans ce cas-là ? La faute médicale est personnalisée et personnelle. Tout fait quelconque commis sur une personne oblige son auteur à réparation en cas de préjudice. La responsabilité est engagée lorsque sont réunis trois facteurs : le fait, le dommage et le lien entre le fait et le dommage. Ainsi, la responsabilité peut être ordinale et/ou civile et ou pénale. Par conséquence, toute personne peut déposer une plainte si elle juge qu'elle a été victime d'une erreur ou d'une faute, selon la loi 90/17. Combien de cas avez-vous recensés depuis que vous êtes à la tête du Conseil de l'ordre ? Cela fait six années que je suis à la tête du conseil, et malgré le nombre croissant de plaintes, nous avons recensé à peu près 100 affaires recevables. J'insiste pour dire que la médecine n'est pas une science exacte et que chaque cas est unique, le même traitement ne donne pas forcément les mêmes résultats sur tous les patients. Et puis dans le code médical, il y a ce qu'on appelle la présomption d'innocence. Quel état des lieux peut-on faire en Algérie ? Je peux dire que nos médecins ont trop de conscience pour ne pas mettre la vie de leurs malades en danger. La déontologie médicale, c'est quelque chose de très récent chez nous, le conseil existe depuis seulement quelques années ; il a été créé en 1992, et nous avons beaucoup à faire. Je dirai que nous n'avons réalisé que le dixième de ce qui doit être fait. Nous aurions souhaité être davantage sollicités par la justice car parler d'une erreur médicale, c'est parler d'expertise. Peut-on dire que notre législation et notre système de santé protègent les droits du malade ? Notre profession est gérée par la loi 85/05 datant de 1985, et je pense qu'il est grand temps de revoir ces textes. Beaucoup de choses et de données ont changé, mais les textes sont restés les mêmes. Aujourd'hui, nous sommes 50 000 médecins à exercer dans des structures publiques ou privées. Il y a des réformes qui se font, mais il faut tout d'abord penser à revoir les textes de lois. Entretien réalisé par W. L.