Nous poursuivons le traitement de la question relative à la stratégie de sortie de crise en proposant une réponse à la question suivante : quel programme de sortie de crise ? Le programme politique de sortie de crise peut se concevoir en trois étapes : la première consacrée à l'endiguement de la crise ; la deuxième à l'achèvement des deux transitions : vers l'économie de marché sur le plan économique et vers la démocratie sur le plan politique ; la troisième à la consolidation de la démocratie. La mise en œuvre du programme d'endiguement de la crise permet d'établir le début de confiance entre la population et l'Etat pour aboutir, lors de la prochaine échéance électorale, à un vote d'anticipation sur un avenir meilleur de progrès et de prospérité et non un vote de sanction contre le régime en place. C'est l'objet du programme de gestion des élections qui a été présenté dans la question de la semaine précédente. La transition est achevée lorsqu'on aboutit à un système politique démocratique où l'alternance au pouvoir est assise sur un multipartisme stable et efficace. Il s'agit, par conséquent, de définir les règles qui régissent le fonctionnement des institutions de l'Etat, les canaux et les conditions d'accès à ces structures. Mais, il faut tirer les leçons des erreurs précédentes lorsqu'on s'est attelé à changer les normes et les procédures par des textes, sans aboutir à la modification des comportements politiques. La gestion de la transition est difficile parce que ce sont les rapports de force qui déterminent le changement, au moment même où il est difficile d'évaluer les forces en présence. Les “démocrates” sont continuellement en tension entre quatre pôles : l'identité, la citoyenneté, la laïcité et la démocratie. Les “nationalistes restent bernés par les statistiques des élections législatives et communales, alors que celles-ci n'ont pas pour rôle de former le gouvernement”. Ces élections reflètent le pouvoir dans l'Exécutif qui organise les élections et non la formation du pouvoir. Les “islamistes sont perdus entre la composante totalitaire, extrémiste de l'islamisme et celle culturelle, identitaire, nationaliste de celui-ci”. C'est pour cela que l'on ne peut pas assurer le changement des comportements par les textes, mais par le “fine tuning” d'une gouvernance prête à apporter les correctifs nécessaires et conduite par des chefs qui donnent l'exemple par la rigueur, la vertu et la vigilance, excluant la possibilité de l'arbitraire, de la corruption et des abus. D'où la nécessité de définir, à l'avance, les composantes du système politique à mettre en place. Celui-ci doit obéir aux sept règles suivantes : - Ne plus jamais conduire à un monopole du pouvoir par des groupes immoraux et/ou incompétents, ni au détournement de l'Etat au profit d'intérêts privés. - Privilégier les règles de l'élection sur les règles de la cooptation et de la fraude, pour empêcher de faire de la loyauté envers les tenants du pouvoir la seule source de promotion au détriment de la compétence. - Ecarter les dangers des solidarités claniques, corporatives ou tribales. - Se prémunir contre les violations des droits de l'homme et assurer les libertés publiques, notamment la liberté de la presse. - Mettre en place les mécanismes de l'alternance au pouvoir par le renforcement d'un nombre limité de partis politiques (deux à quatre partis forts et deux à quatre partis d'importance moindre) et, ainsi, donner à la démocratie les moyens de réussite. - Faire en sorte que la politique devienne un enjeu attirant pour la jeunesse. - Eviter la marginalisation des questions culturelles, l'islam, l'arabe et le tamazight, au niveau de la politique et des programmes de l'Etat pour empêcher qu'elles soient utilisées comme moyens de déstabiliser celui-ci. Avec de tels objectifs, le dialogue et les débats à travers la société se feront sur des bases objectives et mesurables et la compétition politique se fera dans la transparence et l'intégrité. Le succès aux élections portera sur celui qui aura démontré et convaincu le peuple de sa capacité à mettre en œuvre ce système politique et à trouver une solution à la crise multidimensionnelle : politique, sécuritaire, culturelle, économique et sociale. La consolidation, c'est la capacité du nouveau régime à prévenir les crises et y faire face par sa stabilité et sa légitimité, enracinées dans la société civile et dans l'économie. C'est alors et parce que le nouveau régime aura démontré la solidité de sa stabilité que pourront être traitées les grandes questions politiques de l'unité dans la diversité, à savoir : - La place de la religion et de la tolérance dans la société ; - Les fondements culturels de l'unité dans la diversité : choix de société, langues, les limites de la citoyenneté lorsque glissant vers la laïcité ; - La fonction des forces armées dans leur rôle de défense ; - Les formes de décentralisation de l'Etat ; - Le système politique présidentiel ou parlementaire ; - La forme d'indépendance du système judiciaire… Ainsi, nous avons proposé au lecteur un traitement de la question de la stratégie de sortie de crise par l'élection présidentielle, en essayant de répondre à trois questions : l'Algérie peut-elle organiser des élections conduisant à une sortie de crise ? Comment les élections doivent-elles être gérées ? Quel programme de sortie de crise ? Nous avons également rappelé que l'histoire n'a jamais pardonné à ceux qui ont senti venir le danger et qui n'ont rien fait pour l'endiguer. Il ne suffit pas de s'opposer fermement à l'échec et à ses symboles, mais il faut mobiliser les conditions du succès et les défendre. A jeudi prochain, pour une autre question. Entre-temps, travaillons toutes et tous à élargir la base du dialogue sur l'avenir de l'Algérie. A. B.