Nous poursuivons la réponse à la question posée la semaine dernière sur la stratégie de sortie de crise par le traitement de la question suivante : comment l'élection présidentielle d'avril 2004 doit-elle être gérée ? La gestion de l'élection présidentielle doit permettre l'atteinte de trois objectifs : 1- faire que cette élection soit la première d'un nouveau système politique à instaurer par le programme qui aura été retenu au préalable ; 2- éviter le vote sanction pour ne pas passer en pertes et profits tous les sacrifices consentis par le peuple algérien durant plus de dix ans, depuis décembre 1991 ; 3- assurer une large participation et le début de confiance entre le peuple et ses institutions républicaines. La première difficulté est de trouver le moyen d'ancrer les valeurs démocratiques dans un milieu caractérisé par une hostilité sourde à la politique telle que pratiquée et réfractaire à une culture politique clientéliste et individualiste. Le défi est de faire en sorte qu'en l'espace d'une année, ce qui est aujourd'hui souhaitable, mais paraissant impossible, devienne une réalité ! D'où la nécessité de l'engagement de toutes les institutions de l'Etat et de toutes les forces vives de la nation à travailler ensemble pour faire de cette expérience un saut qualitatif vers la démocratie et l'alternance au pouvoir. Toutes les institutions de l'Etat sont devant une responsabilité historique, cruciale pour l'avenir du pays. Elles doivent s'acquitter de leurs missions par la préparation des élections dans la transparence et la rigueur, dans le respect de la loi : — transparence et rigueur dans l'enregistrement des dossiers de candidature ; — transparence et rigueur dans le contrôle de l'opération des signatures d'appui à la candidature ; — transparence et rigueur dans l'utilisation des ressources humaines, matérielles et financières par les candidats, qu'il s'agisse de la période d'avant candidature, de la période entre la déclaration officielle de candidature et le début de campagne, de la période de la campagne électorale ou de la période du déroulement du scrutin. Le gouvernement doit s'engager à réaliser les contrôles a priori nécessaires ainsi qu'un audit a posteriori, particulièrement pour le candidat qui aura remporté l'élection. La préparation de l'élection doit être l'occasion de réaliser un partenariat entre l'Etat et la société qui apporte la voix des pauvres et des groupes vulnérables au centre du processus politique. Plus de transparence, plus d'information, plus de débats publics, I'ouverture des médias lourds à toutes les composantes de la société sont les moyens privilégiés et déterminants pour rétablir le début de confiance des citoyens dans leur Etat. C'est également l'occasion de l'ouverture d'un débat le plus large possible entre toutes les composantes de la société, plus particulièrement les élites, sur la stratégie de sortie de crise. Le discours sur l'alternance au pouvoir a malheureusement encore besoin de volontarisme pour se concrétiser, sinon ce ne serait qu'un discours de fuite en avant face à des responsabilités historiques jamais aussi cruciales qu'aujourd'hui. La nation est réellement en danger. Chaque institution et chaque citoyen sont placés devant leurs responsabilités. C'est le moment de travailler à la préparation, à la conception et à la mise en œuvre d'une stratégie de sortie de crise. Il ne faut pas attendre le moment inéluctable où il leur sera répondu : “Oui, vous avez été plus contents de rester assis la première fois, restez donc assis en compagnie de ceux de l'arrière.” Coran, 9-83. L'Algérie a besoin d'un régime capable de construire l'avenir et capable de prévenir les crises et y faire face par sa stabilité et sa légitimité enracinées dans la société civile et dans l'économie, en opposition à ce qui existe aujourd'hui, à savoir la reconstruction de l'échec et de la mauvaise gouvernance. La recherche d'une majorité à l'élection présidentielle par des actions de fuite en avant, sans que le candidat ne puisse préalablement prouver sa capacité de trouver une solution aux racines de la crise, doit être absolument écartée. L'expérience des élections présidentielles de 1995 et de 1999 est édifiante à ce sujet. Il faut enfin retenir que le système de pouvoir algérien ne permet pas de compenser l'incompétence du président de la République par la compétence du Chef de gouvernement. L'expérience et la nature du système constitutionnel le prouvent. En effet, la logique de construction de pouvoir dans la Constitution est une logique parlementaire (très inspirée du système français). Malheureusement, la Constitution algérienne n'est pas allée jusqu'au bout de cette logique et a laissé beaucoup de possibilités de manœuvres entre les mains du président de la République pour l'approcher du système présidentiel, s'il le désire. Alors, si la vision du président de la République est une vision parlementaire, le système fonctionne bien ; si cette vision est présidentielle, le système connaît des difficultés parce que, alors, il fonctionne dans une logique qui n'est pas la sienne. A jeudi prochain, pour la suite de la réponse à notre question. Entre-temps, travaillons toutes et tous à élargir la base du dialogue sur l'avenir de l'Algérie. A. B.