Journée noire hier en Irak, secoué par une vague d'attentats (11 au total). L'attentat-suicide le plus meurtrier a ciblé un chantier du bâtiment dans un quartier chiite de la capitale, Kazimiyah, faisant 80 morts et 162 blessés, tous des ouvriers travaillant ou à la recherche d'un recrutement dans ce chantier. Triste destin pour la population de ce quartier populeux chiite, qui a vécu, le 31 août dernier, un autre enfer après la bousculade survenue sur le pont de cette localité suite à une rumeur sur la présence de kamikazes dans la foule en procession célébrant un pèlerinage chiite dans la région. Bilan : plus d'un millier de pèlerins tués. Alors que les opérations de secours se poursuivaient toujours à Kazimiyah, un autre attentat à la voiture piégée a été perpétré dans le quartier de Choola, au nord-ouest de Baghdad où un kamikaze a fait exploser son véhicule à une intersection, faisant 4 morts et 22 blessés, selon une source du ministère de l'Intérieur. A Adl, un quartier situé à l'ouest de Baghdad, c'est un convoi de l'armée irakienne qui a été visé par un attentat-suicide à la voiture piégée perpétré par un kamikaze. 3 soldats ont été tués dans cette attaque, selon la même source. L'armée américaine a reconnu de son côté que 2 de ses soldats avaient été blessés plus tôt par un attentat-suicide à la voiture piégée dans l'est de Baghdad. D'autres attentats visant des policiers irakiens, des civils et des soldats de la coalition ont été également enregistrés dans la capitale irakienne avec son lot de tués et de blessés. La liste des victimes ne faisant que s'allonger au fil des heures. Le bilan provisoire en fin de journée s'élevait à 150 tués et plus de 200 blessés. En plus des attentats à la voiture piégée contre lesquels les services de sécurité irakienne et les forces de l'occupation n'ont d'autre choix que de compter quotidiennement les pertes subies par leurs troupes et de mettre à jour la longue liste des civils tués sur fond de guerre interreligieux entre des groupes extrémistes des deux communautés chiite et sunnite qui s'entre-déchirent pour le contrôle du pouvoir, la sécurité des personnes est devenue un sujet de préoccupation majeure même pour les Irakiens à Baghdad. Les opérations d'enlèvement qui ciblaient jusqu'ici les étrangers, utilisés comme monnaie d'échange pour faire pression sur leurs gouvernements, s'étendent aux Irakiens. A Taji, à 15 km au nord de Baghdad, 17 civils irakiens ont été exécutés à l'aube par des hommes armés, selon une source du ministère de l'Intérieur. « Des hommes armés, habillés en soldat et circulant à bord de véhicules militaires sont arrivés à Taji, ont arrêté plusieurs membres de la tribu chiite des Bani Tamim, avant de les rassembler sur une place publique et de les exécuter par balle », a précisé la même source. Les observateurs politiques établissent un lien direct entre cette série d'attentats synchronisés et l'offensive lancée par l'armée américaine il ya quelques jours dans la ville de Tall Afar frontalière avec la Syrie. Une offensive qui avait fait 150 tués parmi les rebelles et 400 suspects arrêtés. Cette série d'attaques a été revendiquée par l'organisation Al Qaîda sur un site internet. Elle intervient, par ailleurs, dans un contexte politique interne marqué par les déchirements intercommunautaires autour du projet de Constitution irakienne. Elle coïncide enfin avec l'annonce de l'ouverture prochaine du procès de l'ancien président irakien Saddam Hussein. Ce déferlement sans précédent de la violence qui a embrasé hier la capitale risque, selon les observateurs, de faire tache d'huile en s'étendant à d'autres régions du pays qui réunissent les mêmes ingrédients à l'origine de la violence et de la crise irakienne : la présence des troupes étrangères et la confrontation intercommunautaire. Depuis son occupation, l'Irak n'a jamais été aussi près de la guerre civile encouragée en cela par les Américains, dont l'enlisement dans le bourbier irakien se confirme jour après jour. L'hypothèse d'un retrait des troupes américaines d'Irak appairait à la lumière des derniers développements politiques et militaires plus que probable pour Washington pour ne maintenir que les effectifs nécessaires à la protection des sites stratégiques, sources d'intérêts pour les Américains.