Le Conseil des ministres se penchait, avant-hier, sur la question dramatique du manque d'espaces verts et de la détérioration de ceux qui existaient. Le jour même de ce conseil, les autorités procédaient à la destruction d'un ensemble de constructions illicites au lieu-dit “Bateau cassé”, dans les faubourgs de la capitale. L'endroit est d'une désespérante laideur, comme tout l'axe côtier est algérois. C'est une chaussée étroite, bordée de bas-côtés poussiéreux, qui relie Bordj El-Kiffan à Bordj El-Bahri. Autrefois surnommée “Petit Paris”, Bordj El-Kiffan, ex-Fort-de-l'eau, était courue pour ses terrasses où s'alignaient les grills à brochettes, les salons à glaces et les restaurants à poisson. Il faisait bon s'attabler en plein air sur ses trottoirs larges comme des esplanades. Bordj El-Bahri longtemps avait mérité sa dénomination d'Alger-Plage. Mais on ne se baigne plus avec le même plaisir sur ses plages de sable terreux, parsemées de déchets d'emballage et de fragments de matériaux. Débouchant d'Alger, par les brèves autoroutes qui s'y achèvent subitement, ou venant de l'Est, par les multiples voies qui se perdent en elle du côté de Bordj El-Bahri, camions, bus et véhicules légers se déversent dans cet étroit tronçon de route à double voie croisée comme dans un entonnoir. L'encombrement y est permanent. Quand on se laisse emprisonner dans le cortège qui y processionne, dans une direction ou dans l'autre, on a tout le temps d'absorber les poussières soulevées par les dépassements par l'accotement et d'admirer l'asymétrie bigarrée des constructions qui s'étalent des deux côtés. De grossières bâtisses, prétendant au statut de villas, sont posées çà et là comme autant de verrues sur la face de terres limoneuses arrachées à leur vocation maraîchère. Certains lopins, en friche, sûrement réservés à quelques intentions immobilières, sont transformés en terrains vagues. N'y pousse plus que le chardon à glu qui accroche les milliers de sachets en plastique multicolores ramenés par le vent. Des champs où ne fleurit plus que la pollution synthétique ! Les immeubles à la géométrie douteuse des cités qui longent la route de “la côte est”, comme disent les Algérois en mal de promenade côtière, sont plantés là, avec de poudreuses pistes pour uniques aménagements. Les carrés de chalets pour sinistrés, catastrophe urbanistique qui décidément survivra longtemps à la catastrophe naturelle de mai 2003, complètent le tableau écœurant de cette bande “résidentielle” qui prolonge la capitale. Pour arriver à Kahouet Ech-Chergui — le lieu tient sa notoriété d'avoir été l'un des endroits où se préparaient, et s'exécutaient parfois, les attentats terroristes de la région —, on dépasse une pinède moribonde qui sert de terrain de jeu à des adolescents, puis on traverse un pont étroit qui enjambe un ravin souillé, et qui fut peut-être un oued. Ce bref et sinistre tableau illustre une situation environnementale quasi générale. Le plus troublant est que peu de gens, autour, paraissent indisposés par la disgrâce du paysage et la souillure infligée à ce morceau de Mitidja. Le mal semble trop profond. M. H. [email protected]