En affirmant que le pays souffre d'un grave problème de gestion, le président vient de lancer une alerte pour le programme quinquennal. Le calme et la sérénité d'avant-hier se sont métamorphosés hier, en reproches, en critiques et parfois même en avertissements. Le président de la République n'a pas été tendre avec les membres de son gouvernement qui l'ont accompagné sur le terrain au deuxième et dernier jour de la visite d'inspection qu'il a effectuée à Alger. C'est le ministre des Travaux publics, Amar Ghoul qui subit, à 9 h du matin, quelques reproches du chef de l'Etat. «Je suis en déphasage avec vous», «ici j'ai l'impression que nous sommes à l'étroit», a reproché le président au ministre des Travaux publics devant l'accès de la nouvelle aérogare d'Alger (Dar El Beïda) qu'il a trouvé trop étroit. «Nous sommes à l'entrée d'Alger, de la capitale et du pays. L'accès doit refléter, là, une belle image. Aucune construction ne doit exister aux environs», a encore insisté le président. Il a, de ce fait, incité les responsables du projet à aménager davantage d'espaces verts et à opérer de larges espacements entre les accès routiers de la nouvelle aérogare. Quelques minutes plus tard, c'est le ministre des Transports Mohamed Maghlaoui qui a été tancé par le président à l'intérieur du chantier de la nouvelle aérogare d'Alger. «Vous êtes très en retard et ce n'est pas ce que vous m'avez dit au Conseil des ministres, pour le reste je le connais», a-t-il dit au ministre des Transports constatant le retard mis dans l'exécution du projet. Dans la même enceinte, il a conseillé aux responsables de l'aérogare de former du personnel «performant» et selon les normes internationales. Le ministre des Finances Mourad Medelci n'a pas été épargné par les foudres de Bouteflika. Il lui a reproché un manque d'organisation dans l'absorption des investissements étrangers. «Je suis peiné de voir des investisseurs étrangers hésiter encore à venir en Algérie en raison de la lourdeur bureaucratique et des procédures administratives», a-t-il regretté. Le ministre des Participations et de la Promotion des investissements, Hamid Temmar, s'est vu refuser une intervention pour «sauver» son collègue Medelci. «Laisse-moi, Hamid, il s'agit du budget d'un pays!», lui a répondu le président, dans la lancée de ses reproches. «Tous les investisseurs potentiels doivent avoir des interlocuteurs pour leur faciliter la tâche», a souligné le chef de l'Etat qui a également insisté sur la mise en place de conditions encourageantes pour les investisseurs étrangers qui participent à l'éclosion de leurs projets. Mais c'est à l'Université des sciences et des technologies Houari-Boumediene que le président a véritablement sermonné son gouvernement indiquant que le problème majeur de l'Algérie tient dans une large mesure à la gestion. Le problème de la gestion est «très grave». Avec des propos crus et directs, il a résumé le mal de l'Algérie. «Sur le plan de la qualité, l'Algérie a mal, il faut arrêter l'hémorragie», a-t-il dit. Avec un ton sérieux et grave il ajoute: «Il n'y pas un secteur qui est bien géré dans le pays». A ce niveau de critique, il s'agit carrément d'un coup de sommation, d'une alerte. Car la gravité de cet avertissement réside dans le fait que l'actuel gouvernement est appelé à gérer des milliards de dollars dans le cadre du programme quinquennal du président. Comment allons-nous gérer ces milliards de dollars alors que la défaillance réside justement à ce niveau? Avec le même ton, le président lance à l'endroit du ministre de l'Education Boubekeur Benbouzid: «Il faut dire la vérité à nos jeunes. Nous leur délivrons des diplômes qui ne sont pas valables. Aujourd'hui nous avons des diplômés universitaires qui ne maîtrisent ni la langue arabe ni la langue française. Nous avons même des diplômés en droit qui ne connaissent même pas la loi». Plus dur encore, le président ajoute: «Il y a un problème plus grave qui se pose à tous les niveaux, aussi bien pour l'enseignement primaire, secondaire et supérieur, c'est celui de la formation des formateurs». Toujours au chapitre de la défaillance en matière de gestion, il fait remarquer à l'endroit du ministre de la Jeunesse et des Sports, Yahia Guidoum: «Il n'y a pas un seul secteur où nous avons de bons gestionnaires, à commencer par le domaine de la jeunesse et des sports où il n'y a pas une seule équipe (sportive) bien gérée». Il revient à la charge sur l'éducation et l'enseignement pour suggérer «la création d'universités de gestion qui soient aussi importantes que celles de l'informatique » pour parer à ce grave problème de gestion. A cette occasion, M.Bouteflika a évoqué la fuite des cerveaux insistant sur la recherche de solutions à ce phénomène. «On ne peut plus continuer à former des personnes pour les voir par la suite aller ailleurs». Puis, il réitère l'idée qu'il a proposée il y a deux années exactement dans le même endroit, l'Usthb, en disant qu'il faut «instaurer des contrats (d'engagement) avec ceux que nous formons». La visite d'hier aura été une correction pour les ministres de la République, mais le problème grave soulevé par le président demeure posé : l'Algérie manque dramatiquement de gestionnaires.