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Harragas : la mort en haute mer
Reportage avec les gardes-côtes
Publié dans Liberté le 02 - 12 - 2006

Des cercueils loquaces dans leur mutisme, témoins des mésaventures et des tentatives de suicide collectif. Ils sont alignés le long du mur, gisant sur le quai froid du port d'Oran. Des embarcations vides, désertées par leurs occupants surpris par une mer agitée et secourus d'une mort qui avait déjà rédigé leur acte de décès.
Le phénomène de l'immigration clandestine a connu une ampleur ces deux dernières années, et plus particulièrement en 2006. Une bataille sera engagée mettant au-devant de la scène les gardes-côtes. Le renforcement des mesures contre les candidats à l'immigration clandestine afin de mettre un terme à ces boat-people en partance vers l'ailleurs reste parmi les priorités du commandement militaire. Cette opération de communication initiée en haut lieu répond à un impératif d'informer le public des dangers encourus par les “harragas” et les risques inconsidérés pris par des centaines de jeunes dans l'espoir de lendemains généreux.
Base navale de Mers El-Kébir ; il y une foule de journalistes sur le quai Grand-Môle, attendant d'embarquer sur l'un des cinq navires de guerre mis à leur disposition. En cette fin de journée grise et froide, l'appréhension se lit sur le visage de chacun et rien n'arrive à chasser les doutes sur un mal de mer qui se profile déjà à l'horizon. Le dispatching fini, les représentants de la presse sont scindés en groupe de cinq à six ; le capitaine Boukhatem, commandant de bord d'El-Kenas nous accueille sur le pont principal du patrouilleur du GC 350 du groupement territorial des gardes-côtes de Mostaganem. Se tiennent à ses côtés son second le lieutenant Sâad Djerrar, chef de service énergie et propulsion, et le sous-lieutenant Hadjeb, chef de service artillerie. Les moteurs sont mis en marche et le temps que l'ordre d'appareillage soit donné, un tour du propriétaire est de rigueur. Le patrouilleur franchit la passe du port de Mers El-Kébir vers 19h avec toutes les précautions d'usage.
À bord du GC 350 “El-Kenas”
Les premiers miles sont dévorés et les étoiles percent le lourd manteau nuageux. L'équipage s'active sur le pont supérieur et le cap nord est maintenu. La mission nocturne d'El-Kenas est de patrouiller le long de la baie d'Oran vers le cap Aiguille, de surveiller les plages du littoral ouest (cap Falcon) et du littoral est (Kristel, Canastel et Arzew). Le navire atteint 13 nœuds, sa vitesse de croisière. Des points minuscules apparaissent subrepticement sur l'écran avant de disparaître. Le capitaine Boukhatem quitte la timonerie et nous indique, de son menton, les lumières de Kristel. “C'est là d'où ils embarquent” ; son regard se fait plus dur. “On a souffert à cause d'eux et la fréquence de nos sorties en mer a triplé depuis que ce phénomène a pris de l'ampleur”. Eux, ce sont ces jeunes qu'on accuse de tous les maux. Poussés par la malvie et le chômage, et malgré les idées reçues, ils ne sont pas tous dans le besoin. Le commandant nous raconte l'histoire de ce “harraga” intercepté à Ghazaouet et qui s'est avéré être propriétaire d'une boulangerie. Un exemple parmi d'autres qui renseigne sur la volonté de certains d'aller à la pêche de l'argent facile. “Le danger vient de ces petites embarcations qui naviguent toutes lumières éteintes ; parfois on ne les voit pas et on risque de les saborder”, confiera le sous-lieutenant Hadjeb. La main du commandant balaye l'obscurité : “La nuit, toutes les embarcations sont suspectes et on doit rester vigilants à tout instant”. À la timonerie, c'est le calme plat. La nuit avança et le tangage succéda au roulis au gré des changements de cap, mais aucune alerte ne fut donnée. “Cet état de la mer n'encourage pas les tentatives d'immigration clandestine, mais on ne sait jamais et avec le vent d'Ouest, El-Gharbi, s'il vous prend, il ne vous lâche plus et vous êtes perdus, mais il existe toujours des kamikazes qui n'ont pas de marche arrière”, dira le commandant.
Un bidon à la mer
Cependant, ses craintes sont parfois confirmées par les sauvetages de petites embarcations, conçues pour trois à quatre personnes, ballottées par les vagues et transportant neuf à douze clandestins. “Nous les secourons dans un état proche de la mort et leur inconscience n'a d'égale que les risques qu'ils prennent.” La deuxième sortie en mer se déroula le lendemain et le GC 350 sortit du port, vers 9h15, direction le Septentrion.
À 15h, un point noir est signalé et le patrouilleur se dirige vers lui. Un bidon éventré flotte sur la mer calme. “Ils servent généralement aux trafiquants de drogue pour baliser leur cargaison”, nous expliquera le commandant. Au troisième jour avec les gardes-côtes, on découvrira les saisies effectuées par ces mêmes services. Au total 44 embarcations ces deux dernières années, 42 pour la seule année 2006. Principalement des bateaux en polyster, mais également des Zodiac et des bateaux en bois. Des hors-bords qui, traditionnellement, accueillent trois à quatre passagers sont interceptés par les gardes-côtes transportant jusqu'à quinze passagers. Des cercueils flottants transportant leur cargaison humaine pour les charrier en haute mer. Les corps sans sépulture continuent à pourrir par les profondeurs et les disparus, ceux que la mer n'a pas encore recrachés, hantent le souvenir de leur famille. Le cas de la famille K. est éloquent. Leur enfant, Noureddine, 26 ans, a disparu une nuit de Ramadhan de l'année dernière lorsqu'il embarqua avec huit de ses amis à Sidi-Djelloul, une plage de Béni Saf. Le témoignage de son père se perd dans le souvenir de cet enfant auquel il ne demandait rien. “Je sais qu'il est mort, mais c'est sa mère qui est inconsolable”, avouera-t-il.
Au Cross, le Centre régional des opérations de surveillance et de sauvetage, des éclaircissements sont donnés sur les différentes phases opérationnelles enclenchées suite à des informations données sur un supposé naufrage. La phase d'alerte succède à la phase d'incertitude et celle de détresse clôt l'opération avec l'utilisation de tous les moyens pour sauver les vies humaines.
C'est à partir des côtes ouest de Béni Saf et plus précisément des plages de Rechgoun II que la première “harga” a eu lieu. Les explications sont celles du commandant des gardes-côtes de Béni Saf. Après le renforcement des mesures interdisant l'accès à l'Europe à travers Ceuta et Mellilia, et l'entrée en vigueur du code ISPS réglementant les ports l'idée de se rabattre sur les côtes et de traverser les quelque 60 miles séparant les deux rives a germé. Elle commença à prendre forme après qu'un citoyen eut fait la traversée à bord d'un hors-bord puissant sans rencontrer de difficulté. À son retour, il aurait transporté des candidats à l'immigration clandestine. “Depuis, c'est un véritable siège des plages de la région”, affirmera-t-il. Des mesures immédiates sont alors prises avec le renforcement de la sécurité au niveau des ports de Béni Saf et Bouzedjar et l'augmentation des sorties en mer. Le dégagement de toutes les embarcations non surveillées au niveau des plages ciblées est aussi décidé.
Des moyens importants
La “sécurisation” des zones isolées fait partie du dispositif mis en place avec l'installation de 13 postes de surveillance s'étalant de Madagh II jusqu'à la plage de Ouardania. La surveillance renforcée des zones susceptibles de faciliter l'embarquement et la lutte en amont contre les passagers clandestins ont fait chuter la fréquence des départs ; le phénomène s'est déplacé vers les côtes oranaises.
45 embarcations ont été saisies par les gardes-côtes de la région, mais si la plupart d'entre elles naviguent à vue avec des moyens de survie rudimentaires quand ils existent, d'autres “harragas” n'hésitent pas à embarquer avec des moteurs de secours, des rames, des gilets de sauvetage et utilisent des boussoles, ainsi que des GPS.
Le commandant des gardes-côtes de Béni Saf met l'accent sur les moyens déployés pour circonscrire et anéantir ce fléau. “Tous les moyens ont été mis à notre disposition par le commandement de la IIe Région militaire et même les limites territoriales, en cas de poursuite d'un bateau suspect, ont été levées.” “D'autres circuits sont en train d'être prospectés par les passeurs à l'est du pays”. L'interception de “harragas” près des côtes annabies renseignent sur l'ouverture d'un nouvel axe en direction de l'Italie. Les côtes sont longées jusqu'à Bizerte, en Tunisie, et de là l'Italie.
S. O.


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