Ses déclarations sont cependant empreintes d'une extrême prudence. Prudence. Le gouvernement, même en communiquant, observe la plus grande prudence quand il se prononce sur les dossiers de l'heure. Son porte-parole, Mme Khalida Toumi, a strictement respecté la règle, hier, devant la presse, lors d'une rencontre tenue (au Centre international de la presse d'Alger) au lendemain du Conseil de l'Exécutif, présidé par M. Ali Benflis. Prudence, en effet, à propos de la question du Sahara occidental — et de nos relations avec le Maroc —, de la situation du groupe Khalifa, de la crise en Kabylie, de l'interdiction des marches dans la capitale et de la désignation — prochaine ? — du mufti de la République, discutée en Conseil de gouvernement le 2 février dernier. On ne peut évidemment pas reprocher à la ministre de la Communication et de la Culture son usage de la langue de bois, somme toute propre à nos responsables politiques, en règle générale. Sur tous ces dossiers, la position algérienne vis-à-vis de la très probable guerre contre l'Irak l'illustre fort bien, le gouvernement renvoie à une prétendue légalité supposée être défendue par les lois de la République. Mme Khalida Toumi n'a donc pris aucun risque que l'Exécutif, encore moins le président de la République, ne saurait tolérer ni pardonner. Ainsi, le général à la retraite Khaled Nezzar, n'ayant que faire d'un pays supplémentaire à nos frontières, est-il “libre, en tant que citoyen vivant sur une terre où la liberté d'expression est consacrée par la Constitution, de tenir des propos ou de faire des déclarations sur quelque sujet que ce soit. Le gouvernement n'est en rien obligé d'apporter des réponses ou des précisions chaque fois qu'un Algérien s'exprime.” L'influent général peut logiquement prendre la réplique comme un silence officiel de l'Etat. Du reste, “la position, aussi claire et constante que ferme, de notre pays concernant la question du Sahara occidental, a été réaffirmée par M. Abdelaziz Bouteflika dans sa lettre au président français Jacques Chirac, après sa visite d'Etat en Algérie” les 2, 3 et 4 de ce mois. Cette position se résume en ces termes : “L'Algérie est pour le droit du peuple sahraoui à l'autodétermination. Le conflit, une histoire de décolonisation soumise à l'Organisation des Nations unies, oppose le Polisario au Maroc, mais n'implique pas notre pays. Il faut juste nous reconnaître le droit d'y avoir une position.” Le porte-parole du gouvernement n'a ni démenti ni confirmé les rumeurs de la visite du Premier ministre marocain Driss Djettou à Alger : “Il peut toujours y avoir des visites officielles entre les pays ayant des relations diplomatiques.” Par ailleurs, le gouvernement inscrit la périlleuse situation du groupe Khalifa dans le cadre de l'économie de marché et de l'indépendance de la justice. Mme Toumi a refusé de commenter l'avenir des quinze à dix-huit mille employés que regroupent ses différentes filiales. “Nous attendons le verdict de la commission bancaire et celui de la justice auxquels nous nous y conformerons selon les lois de la République”, a-t-elle seulement dit. Elle a rappelé que l'autorité monétaire — constatant les irrégularités d'El Khalifa Bank, le haut de la pyramide — avait alerté le ministre des Finances, Mohamed Terbèche, lequel a saisi la justice. Comme pour l'affaire Orascom, il faudra donc “attendre les décisions finales.” Elle a également rejeté toute interférence dans les affaires de la compagnie Khalifa Airways, soulignant que le gouvernement se contente de réfléchir aux solutions à trouver en cas de perturbation dans le domaine du transport aérien. Le gouvernement, de la même manière, refuse de s'interférer “dans les affaires franco-françaises, comme celle des harkis et leur autorisation de séjour en Algérie.” La Kabylie pourrait, en outre, bientôt accueillir Ali Benflis. Toujours bardée de prudence, Khalida Toumi a simplement déclaré que la visite du Chef du gouvernement dans “les wilayas de la région est inscrite dans son programme.” Mais aucune date n'a été avancée. Comme déjà annoncé par le ministre de l'Intérieur, Nourredine Yazid Zerhouni, l'Exécutif préfère organiser des élections partielles — “Nous ferons en sorte que des élections aient lieu”, a insisté Mme Toumi — dans les APC encore sans Assemblées locales. Quant à la crise kabyle dans sa globalité complexe, “seul le dialogue pourrait la dénouer. Maintenant, si des initiatives mues par une bonne volonté sont lancées, nous ne pouvons que nous en féliciter.” Des initiatives de personnalités externes à la région seraient actuellement en cours. La ministre de la Communication et de la Culture a, par la suite, soutenu que l'interdiction des marches à Alger est motivée par la situation sécuritaire du pays, particulièrement l'état d'urgence qui en a résulté. “Le souci du gouvernement est de parvenir à un état de sécurité et de stabilité capable de garantir le déroulement dans des conditions normales, c'est-à-dire ne présentant pas de risques, de ce genre de manifestations. Il ne faut pas prendre ceci à la légère”, a-t-elle commenté. Elle a, enfin, annoncé l'installation, “incessamment”, du mufti de la République. Discuté en Conseil de gouvernement du 2 février, cette question devait être soumise à l'approbation du Conseil des ministres. Mais elle ne l'a pas encore été, malgré la tenue, depuis l'annonce de deux réunions du conseil. L. B.