La location des enfants pour servir de faire-valoir dans la mendicité n'est pas cette légende urbaine qu'on se raconte dans les cafés ou dans les antichambres humides des hammams, mais une réalité crue qu'on découvre à chaque coin de rue de la République, notamment dans les rues de la capitale de l'Ouest. L'urgence d'une prise en charge du phénomène a fait réagir les premiers responsables du dossier, par l'entremise d'une décision du ministère de l'Emploi et de la Solidarité nationale de procéder au “ramassage” de toutes les femmes surprise à mendier, en compagnie d'enfants. Cette résolution officielle, vieille d'une année, renseigne sur l'étendue du fléau qui touche principalement les grandes agglomérations et se veut un frein à cette pratique qui tend à se généraliser dans certaines circonstances. Les sorties sur le terrain des professionnels de la prévention sociale les ont amenés à côtoyer des cas concrets de femmes qui louent des enfants pour mendier, offrant des scènes d'infinie détresse, histoire d'apitoyer davantage les âmes charitables. Les exemples émaillent les rapports des comptes rendus de ces missions, aussi bienocturnes que diurnes, mais dont le plus édifiant reste celui de cette jeune femme, repérée à 23h près du complexe laitier d'Oran en train de mendier, un petit garçon accroché à ses flancs. Questionnée, elle finit par avouer que l'enfant, de trois ans, n'est autre que son neveu, et que le père de ce dernier, habitant Hassi Bounif, était au courant de la présence de son fils sur les trottoirs de la ville. Ce phénomène a toujours été présent dans les rues, mais a commencé à prendre des proportions alarmantes depuis trois ans, accentué par la pauvreté sans cesse grandissante qui touche de plus en plus de gens. Les tenants et les aboutissants de ce trafic d'enfants demeurent pour le moins circonscrits à des individus qui n'hésitent pas à proposer leur propre progéniture à louer à de véritables professionnelles de la mendicité, contre une somme d'argent convenue au préalable. Pour le moment, aucun “réseau” de trafic n'a été émis à jour, si ce n'est des cas isolés recensés. D'autres femmes, par contre, emploient leurs propres enfants pour mendier. Une dame d'un certain âge avait été “ramassée”, de nuit, elle et sa fille, à la gare ferroviaire d'Oran. Elle admet qu'elle a fait de la mendicité un métier et qu'elle a initié, par la suite, sa fille à suivre son chemin. Originaires de Chlef, elles prenaient quotidiennement le train pour Oran, leur terrain de chasse. À 17h, retour à la maison. Cependant, si elles étaient prises par le temps, elles squattaient l'esplanade de la gare. La femme avoue atteindre allègrement 3 000 DA journellement. Une autre femme de 32 ans a été, elle aussi, placée à Dar errahma à Misserghine après avoir été retrouvée, au boulevard des Martyrs, en face de la prison locale, en train de mendier sur la voie publique, un enfant de deux ans dans les bras. Le garçon a été, quant à lui, placé à la pouponnière. Pour éviter que de tels exemples soient la règle, une commission locale se réunira prochainement pour discuter de ce problème qui doit être pris en charge par la justice à même de statuer et de sévir contre cette traite d'un autre âge. SAID OUSSAD