Après plus de 40 ans d'attente, la Turquie se retrouve désormais en position de négocier son entrée à l'Union européenne. Un défi qui s'annonce pourtant laborieux en raison de la réticence de l'opinion publique de certains pays européens à l'adhésion d'un pays musulman. L'UE et la Turquie ont officiellement lancé les négociations dans la nuit de lundi à mardi à Luxembourg, les réticences de l'Autriche face au cadre des négociations proposé ayant finalement été surmontées. « On était jusqu'à présent sur la touche. Maintenant, on fait partie de l'équipe sur le terrain », s'est félicité un diplomate turc. La délégation turque, dirigée par le chef de la diplomatie Abdullah Gül, a fêté à l'écart des caméras le lancement de ces négociations « historiques » à Luxembourg, dans le centre de conférences où étaient réunis, dimanche et lundi, les ministres des Affaires étrangères des 25. Si l'allégresse était de mise chez les diplomates d'Ankara, M. Gül a souligné devant la presse que les longues négociations avec l'UE, étalées sur 35 chapitres pour conformer les lois turques à l'« acquis communautaire », le maquis des lois européennes, seraient semées d'embûches. « Ce sont des choses très très difficiles. Parfois il y aura des moments de déception et des obstacles apparaîtront mais nous saurons les surmonter », a-t-il assuré. Dans le seul domaine de l'environnement, la Turquie doit dépenser des dizaines de milliards d'euros pour harmoniser sa législation, nettement insuffisante, aux rigoureuses dispositions européennes. Par contre, elle envisage de s'attirer les faveurs des investisseurs étrangers en devenant un havre de stabilité jusqu'aux confins de l'Anatolie, malgré ses frontières avec des pays aussi sensibles que l'Irak, l'Iran et la Syrie. En dépit d'un rapprochement continu depuis 1999 avec sa voisine, la Grèce, autrefois sœur ennemie, la question d'une reconnaissance de Chypre par Ankara est encore entière. Paradoxalement, la Turquie entame son processus d'intégration avec une communauté d'Etats, en refusant toute relation avec l'un d'eux. Si le secrétaire au Foreign Office Jack Straw estime que « la Turquie a toujours été un pays européen », son avis n'est guère partagé par une majorité d'Européens, réticents à l'idée de voir un pays musulman, même laïque, avec une population relativement pauvre de 71 millions d'habitants, rejoindre l'UE. Un sondage Eurobaromètre réalisé en juillet montrait que 52% des personnes interrogées à travers l'Union s'opposaient à une adhésion des Turcs contre 35% en faveur de celle-ci. Mais M. Gül a exprimé sa conviction que le refus des Européens changera d'ici l'intégration de son pays, qui ne se fera pas avant 2014 au moins. « La Turquie dans dix ans sera un tout autre pays », a-t-il ainsi affirmé.