L'ancien dictateur chilien Augusto Pinochet, symbole de la répression en Amérique latine dans les années 1970-80, est mort à l'âge de 91 ans sans n'avoir jamais été condamné pour aucun crime. Sa disparition, tout comme ses dernières années de vie, auront été un casse-tête pour la présidente du centre-gauche Michelle Bachelet, dont le père est mort après avoir été torturé en prison par Pinochet et qui, elle-même, dut prendre le chemin de l'exil après avoir été arrêtée et détenue dans un centre de torture. Le dictateur n'a pas été inquiété par la justice chilienne alors que des cours étrangères l'avaient condamné et, à sa mort, il eut droit aux honneurs militaires en tant qu'ancien commandant en chef de l'armée. Le ministre de la Défense assistera à la cérémonie. La police s'est déployée dans les rues de la capitale chilienne près de l'Ecole militaire où les obsèques ont lieu aujourd'hui. Sa mort ne laisse pas indifférents les Chiliens. À l'annonce de sa mort, des milliers de personnes étaient descendues dans les rues de Santiago, certaines pour faire la fête, d'autres pour pleurer sa disparition. En certains endroits, les manifestations ont tourné à la violence et la police militaire a eu recours aux gaz lacrymogènes pour disperser des anti-Pinochet qui voulaient marcher sur le palais présidentiel de la Moneda, symbole, pour nombre de Chiliens, des violences militaires lors du putsch de septembre 1973. Vingt-quatre policiers ont été blessés hier au cours de ces échauffourées. C'est lors de ce putsch que Pinochet avait pris le pouvoir, en renversant, avec le soutien des Etats-Unis, le président socialiste et démocratiquement élu, Salvador Allende, avant de devenir le dictateur le plus célèbre d'Amérique latine pendant la guerre froide. La répression brutale exercée par la police secrète peu après le coup d'Etat a entraîné la mort de plus de 3 000 personnes. Quelque 28 000 autres ont été torturées et on estime à 200 000 le nombre de Chiliens qui ont pris le chemin de l'exil. Le général avait perdu en 1988 un référendum sur le renouvellement de son mandat et quitté le pouvoir en 1990. Il est cependant demeuré pendant plusieurs années le chef des forces armées avant de se propulser sénateur à vie pour échapper à la justice. Il a fait l'objet de dizaines d'accusations de violations des droits de l'homme, mais les efforts pour le juger n'ont jamais abouti. Ses avocats sont toujours parvenus à lui éviter un procès, en mettant généralement en avant sa santé défaillante. En fait, sa disparition arrange un pan de la nomenklatura qui lui doit tout. De nombreux officiers militaires et des membres de sa police secrète ont toutefois été reconnus coupables de torture, d'assassinats et d'enlèvements. D. Bouatta