Augusto Pinochet vient de perdre l'immunité que lui conférait son statut d'ancien président de la République. La Cour suprême du Chili a ratifié un jugement de la Cour d'appel de Santiago. Le général Pinochet va donc être jugé pour ses responsabilités dans le plan Condor, un programme élaboré par les dictatures sud-américaines des années 1970 et 1980 (Argentine, Bolivie, Brésil, Chili, Paraguay et Uruguay). Le plan Condor visait alors l'élimination des opposants politiques, où qu'ils puissent se trouver en Amérique du Sud. A ce jour, la défense de Pinochet avait insisté sur les problèmes mentaux de « démence légère » du général. Cela avait conduit la même Cour suprême à classer un premier procès contre l'ex-président en juillet 2002, dans l'affaire dite de la Caravane de la Mort. Pinochet avait commencé à être jugé en tant qu'auteur intellectuel des crimes d'un escadron militaire. Il était accusé d'avoir fait assassiner 75 opposants dans plusieurs villes chiliennes entre septembre et octobre 1973. Pour l'affaire du plan Condor, les avocats de Pinochet vont donc essayer de suivre la même stratégie arguant que les facultés mentales de l'ex-dictateur sont détériorées. Depuis sa remise en liberté, Pinochet était resté muet (il avait été mis en résidence surveillée en Grande-Bretagne). Mais il est revenu sur le devant de la scène médiatique de façon inopinée, provoquant sa mise en accusation. En septembre 2003, alors que le Chili commémorait le trentième anniversaire du coup d'Etat contre le président Allende, le quotidien La Tercera a publié une longue interview de l'ancien dictateur. Celui-ci critiquait vivement la justice de son pays. Deux mois plus tard, le jour du 88e anniversaire de l'ex-dictateur, une chaîne de télévision de Miami (Etats-Unis) a diffusé un entretien dans lequel Pinochet niait toute responsabilité dans les nombreux crimes survenus pendant la dictature. Les deux interventions de l'ex-dictateur ont servi de base pour que la décision de la Cour suprême chilienne décide de lever son immunité. L'ancien dictateur semble capable de faire face à un interrogatoire et de se rappeler de faits précis. La Cour suprême a donc estimé que le juge Guzman, en charge de l'affaire, pouvait lui poser ses propres questions. Des examens médicaux de Pinochet devront de nouveau être effectués, sur l'ordre du juge. Guzman attendra probablement le dernier moment, afin que le procès puisse aller à son terme.