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“L'Algérie est un modèle à suivre pour le torchage du gaz”
François-Regis Mouton, conseiller à la Banque Mondiale
Publié dans Liberté le 18 - 12 - 2006

Dans cet entretien, l'expert aborde la coopération entre cette institution et Sonatrach, ainsi que les progrès enregistrés dans la réduction d'une telle pollution de l'air.
Liberté : Les modèles énergétiques en usage dans le monde sont nocifs à l'environnement. Ils seraient responsables en grande partie des changements climatiques. Quelles alternatives et solutions suggère la Banque mondiale pour éviter le réchauffement de la planète ?
François-Regis Mouton : La stratégie environnementale de la Banque mondiale fait le lien entre l'environnement, la pauvreté et le développement, avec une attention particulière sur la santé, et les populations en situation précaire, de pauvreté et donc vulnérables. Les priorités sont celles décidées par la communauté internationale, lors du sommet du millénaire en 2000, le sommet de Johannesburg sur le développement durable en 2002 et le sommet de l'évaluation des écosystèmes de 2005.
Le partenariat global public-privé pour la réduction des gaz torchés (GGFR en anglais) s'inscrit bien dans ce cadre en cherchant à réduire l'impact du changement climatique, en soutenant et facilitant les efforts des différents pays producteurs, afin qu'ils utilisent davantage leurs ressources gazières. Ce partenariat cherche à promouvoir des cadres réglementaires et législatifs cohérents, qui permettent de surmonter les difficultés liées à l'utilisation du gaz qui est aujourd'hui brûlé à la torche, comme des infrastructures insuffisantes, ou peu ou pas d'accès aux marchés locaux ou internationaux, en particulier dans les pays en développement comme l'Algérie.
Où en est l'initiative de réduction du torchage du gaz dans le monde ?
Le GGFR estime aujourd'hui que plus de 150 Gm3 (milliards de mètres cubes) de gaz sont brûlés chaque année à la torche, sans parler des volumes de gaz de fuite ou autres qui sont émis dans l'atmosphère sans même être brûlés. Ces 150 Gm3 sont équivalents à 25% de la consommation annuelle de gaz des Etats-Unis ou à 30% de celle de l'Union européenne des vingt-cinq. Les 40 Gm3 brûlés chaque année en Afrique, s'ils étaient utilisés dans la génération électrique, augmenteraient de 50% la production d'électricité du continent... Ce gaz torché a aussi un impact sur le phénomène de changement climatique, puisqu'il génère près de 400 MT CO2e (millions de tonnes de CO2 équivalent) chaque année dans l'atmosphère. Cette quantité est plus importante que l'ensemble des projets de réduction de gaz à effet de serre actuellement proposés dans le cadre du protocole de Koyto. Il s'agit donc d'un gaspillage de ressources qui contribue aussi au réchauffement climatique. Par ailleurs, s'il était utilisé, ce gaz remplacerait d'autres formes d'énergie plus polluantes, moins efficientes et plus chères. Cela réduit aussi les revenus des pays producteurs.
Le partenariat du GGFR, dont l'Algérie est un des membres fondateurs, a fait de gros progrès dans certains pays, mais est encore absent dans certaines zones de la planète, comme la Russie, les pays du golfe Persique et le Venezuela. Nous espérons que ces pays nous rejoignent bientôt.
Quelle est la contribution de la Banque mondiale à la réduction du torchage du gaz dans le monde ?
Le partenariat du GGFR permet aux représentants des gouvernements des pays producteurs, des compagnies nationales et internationales de travailler ensemble à trouver des solutions innovantes ou nécessitant des réponses élargies à plusieurs partenaires. Le GGFR aide à surmonter les difficultés à l'utilisation du gaz, avec une action qui se développe sur 4 axes : commercialisation, réglementation, mise en place et respect du “standard” du GGFR, effort de dissémination de savoir-faire pour l'obtention de crédits carbone pour les projets de réduction de gaz torchés ou émis dans l'atmosphère.
Comment analysez-vous l'état des émissions de carbone rejetées par le secteur des hydrocarbures en Algérie ?
Je ne suis pas un expert qui peut parler de l'ensemble des rejets du secteur des hydrocarbures en Algérie, mais ce que je peux vous dire, c'est que l'Algérie torche de l'ordre de 4 milliards de mètres cubes de gaz par an, et vu ses efforts considérables pour réduire ces volumes depuis les années 70, l'Algérie est en train de devenir le modèle à suivre pour les autres pays d'Afrique.
L'étude réalisée par le bureau international Penspen montre la faisabilité technique et commerciale du projet de gazoduc Nigeria-Algérie qui vise, entre autres, à éliminer le torchage du gaz. La Banque mondiale compte-t-elle contribuer au financement ou à la mobilisation de financements pour ce projet ?
Je ne suis pas familier avec cette étude, et je ne souhaite donc pas commenter.
Quelle est la contribution de la Banque mondiale à la réduction des rejets de carbone dans l'atmosphère en Algérie ?
La Banque mondiale, dans le cadre du partenariat public-privé pour la réduction des gaz torchés, a financé durant les deux dernières années plusieurs études. En particulier, je tiens à mentionner une revue des projets potentiels de réduction de torchage et de leur rentabilité économique, un développement de la capacité de Sonatrach à obtenir des crédits carbone pour ces projets en application des mécanismes de développement propre (MDP) dans le cadre du protocole de Kyoto. Le 7 novembre dernier avait lieu l'atelier de clôture de cette dernière étude.
Le 8 novembre nous avons organisé une journée de formation à l'outil de collecte de données (production et torchage). Cet outil a été développé par le GGFR dans un souci de mieux cerner les volumes de torchage dans différents pays producteurs. Depuis cette année, le Cameroun et le Nigeria l'utilisent déjà. En 2007, le Qatar s'est déjà porté volontaire pour le lancement de cet outil.
Nous sommes extrêmement satisfaits de la collaboration avec la Sonatrach et l'Algérie. Notre partenarait ne fait qu'accompagner un processus déjà engagé dans les années 1970. À cette date, en effet, 80% du gaz associé produit étaient torchés ; en 2005 7% l'étaient encore, et la Sonatrach prévoie un arrêt total du torchage en 2010. Quelle réussite, et un bel exemple à suivre !
Enfin, je tiens à souligner que M. Mohamed Meziane, président-directeur général de la Sonatrach, nous fait l'honneur de participer au forum international pour la réduction des gaz torchés qui aura lieu à Paris du 13 au 15 décembre 2006. Il interviendra aux côtés de personnalités éminentes de la Commission européenne, du département américain de l'Energie, de ministres de pays producteurs et consommateurs, de sociétés pétrolières internationales comme Total, etc.
Propos recueillis par N. Ryad


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