La question des “faux moudjahidine” risque de faire le thème de la prochaine campagne électorale, quarante-quatre ans après l'Indépendance. Le FLN qui, décidément, n'est pas près de partager le monopole du nationalisme, trouve dans l'obédience RND du ministre des Moudjahidine et du secrétaire général du RND motif à ressusciter la légitimité révolutionnaire : FLN 2006 et FLN 1954, même combat. Et ce qui n'est pas l'un n'est pas l'autre. Quand, il y a quinze ans, Mellouk avait porté la controverse sur la place publique, il n'y avait pas beaucoup de gardiens de la vérité patriotique pour le suivre sur le terrain de la contestation d'un ordre établi. Il paya son audace de prison, sous le regard timoré d'une classe révolutionnaire pourtant intacte, voire renforcée, malgré le temps qui passe. En plus de faire des petits, elle semblait faire du recrutement. Il a fallu près d'un demi-siècle pour que la commission de reconnaissance de la qualité de moudjahid suspende, sur ordre du Président, la production de nouveaux anciens combattants. De l'aveu du ministre concerné, dix mille faux moudjahidine sont venus accroître la liste des anciens maquisards. Mais, depuis, nul ne sait ce qui est arrivé à ces surnuméraires de la nomenclature révolutionnaire. En ce temps-là, le rouleau compresseur du FIS était aux portes des institutions et sa menace pesait sur chacun de nous. Et beaucoup de tenants de la pureté révolutionnaire n'avaient pas le cœur à nettoyer leurs rangs, mais à démontrer que leur raison révolutionnaire ne les a pas éloignés des pieuses références. La barbe était plus volontiers exhibée que l'attestation communale. On pouvait à nouveau compter les vrais patriotes : ils ont pris les armes contre le terrorisme. Devant ce tardif appel à l'épuration statutaire, deux questions s'imposent. D'abord, qui a rendu possible l'imposture historique que constitue l'affaire des faux moudjahidine ? Ensuite, qu'est-ce qui fait que le statut de moudjahid soit si couru que beaucoup ont pris le risque de falsifier leur parcours ? À la première question, il faut bien répondre que c'est le FLN-parti unique qui, en premier et pendant longtemps, a accaparé la fonction d'organiser l'héritage révolutionnaire, par le truchement de l'ONM, son “organisation de masse” dédiée à la mémoire vive de la révolution. S'il n'y avait qu'une seule manière d'être moudjahid, il y a eu mille manières de devenir ancien moudjahid. Aujourd'hui, des responsables du FLN s'érigent en partie civile, et de manière politicienne, dans la polémique qui entoure ce scandale À la seconde question, on ne peut que répliquer par la dérive rentière imposée au statut d'ancien moudjahid vidé de ses attributs moraux et réduit à une identité d'ayants droit. Un droit sans cesse revalorisé. Même si la liste est close, le droit est indéfiniment revalorisé. On comprend qu'à la fin, le statut de moudjahid devient tellement envié et tellement brigué. Ce statut ne pouvait échapper à l'atmosphère globale de fraude. Inutile d'en faire un thème de campagne, car le système l'a bien cherché, si aujourd'hui, ici comme en bien d'autres domaines, on ne sait plus le vrai du faux. M. H. [email protected]