Le ministre de tutelle et le secrétaire général de l'ONM — tous deux d'obédience RND — sont accusés de passivité dans l'assainissement des listes des usurpateurs. Selon des sources sûres, l'initiative porterait la caution du Chef du gouvernement, Abdelaziz Belkhadem. Mais officiellement, elle exprime une convergence de vues entre certains acteurs de la famille dite révolutionnaire. Ahmed Bencherif, colonel de l'ALN (devenu après l'indépendance membre du Conseil de la révolution, puis patron de la gendarmerie), Mustapha Abid, qui était également colonel de l'ALN (il est aussi ancien sénateur et coordinateur du mouvement de redressement du FLN à Oran) et Ahmed Bensaïd, chef de la Fédération nationale des enfants de chouhada (après sa destitution de la tête de l'organisation originelle (Cnec) au profit de Khaled Bounedjma), affirment avoir décidé d'unir leurs forces dans l'objectif de pousser les pouvoirs publics à traiter de façon claire et définitive le dossier des faux moudjahidine. “Nous militons pour la même cause. Autant le faire ensemble”, explique M. Bensaïd. Celui-ci s'est distingué récemment en accompagnant Rabah Kebir, ancien président de l'Instance exécutive de l'ex-FIS à l'étranger, lors de ses déplacements en Algérie, assistant notamment à sa rencontre avec le chef de l'Exécutif. Au début du mois de décembre, il cosignait avec le colonel Bencherif un appel au nom de la commission provisoire de “l'Instance nationale de libération de la famille historique”. En leur qualité de président et de membre de ladite commission, les deux hommes demandent à leurs frères d'armes de dénoncer les faussaires. Par ailleurs, ils exigent de l'Etat de les traquer. L'ancien patron de la gendarmerie a exprimé son ras-le-bol, il y a quelques semaines, dans une correspondance adressée au ministre de tutelle. Dans sa missive, il s'élevait contre la mainmise des usurpateurs sur l'antenne de l'Organisation nationale des moudjahidine (ONM) à Djelfa, où il réside. Pour sa part, Ahmed Bensaïd confie avoir interpellé le ministre Chérif Abbas, au lendemain de ses déclarations en octobre 2005 sur le recensement de 10 000 faux maquisards. “J'ai écrit une autre lettre au président de la République réclamant que les listes soient rendues publiques. Il n'est quand même pas logique que le ministère détienne des dossiers sans rien intenter contre les mis en cause”, commente le représentant des enfants de chouhada. Contacté à Oran, le colonel Abid assurait que la question des faux moudjahidine était, hier, à l'ordre d'une réunion de toutes les kasmas et des organisations de masse. “Nous allons proposer d'élargir ce genre de rencontres à toutes les autres instances du FLN à travers le pays”, dit-il. Selon lui, l'ensemble des wilayas historiques a exprimé son appui à la tenue d'une conférence nationale sur les faux moudjahidine et les harkis. “Nous devons les débusquer là où ils se trouvent. Il y a parmi eux des ministres, des cadres de la nation, des militaires. Ils ont falsifié l'histoire et se sont emparés des richesses du pays”, dénonce, de son côté, M. Bensaïd. Ses accusations ciblent particulièrement les officiers transfuges de l'armée française. Mais dans le tas, figurent aussi des magistrats. Connu pour avoir porté l'affaire sur la place publique, Benyoucef Mellouk, ancien fonctionnaire de la chancellerie, a reçu, dimanche, en fin de journée, la visite du groupe d'Ahmed Bencherif. Ses invités lui ont demandé de se joindre à leur démarche. Ayant eu à subir le martyre (licencié, emprisonné, harcelé…) depuis la divulgation de ses informations à la presse, il y a 15 ans, M. Mellouk n'a pas hésité à dire oui. Jeudi prochain, une réunion devra se tenir dans une wilaya de l'intérieur du pays que les organisateurs tiennent à garder secrète. Une conférence de presse est également envisagée. Saïd Abadou, secrétaire général de l'ONM, a déjà eu l'occasion de répliquer aux accusations d'Ahmed Bencherif en le mettant au défi de rendre publics les dossiers qu'il prétend posséder. Samia Lokmane