La fin de l'année 2006 a eu cette particularité de coïncider avec la fête de l'Aïd el-Kébir. Un événement qui n'a pas manqué de susciter des appréhensions, notamment pour les habitués, en chamboulant les préparatifs d'un dîner spécial. Et comme pareil événement a toujours nécessité des moyens à même d'éviter quelques “dégâts” de parcours, nous avons pu suivre durant la dernière nuit de 2006 l'application du dispositif sécuritaire mis en place par la gendarmerie. 18h. En compagnie du colonel Abderrahmane Ayoub, nous mettons le cap sur la compagnie de Dar El-Beïda. L'autoroute censée être encombrée en cette heure de la journée est plutôt dégagée. Quelques petits ennuis mécaniques obligent certains automobilistes à se ranger sur la bande d'urgence. Les dépanneurs ne se bousculent pas au portillon. Patience et longueur de temps. À Bab-Ezzouar où se trouve le siège de la compagnie, nous suivons le commandant dans les quartiers sous sa compétence. La RN24 est bouclée par un embouteillage incroyable. Pare-choc contre pare-choc, les véhicules forment un immense parking. Les dernières pluies et les travaux d'élargissement de cet axe ont rendu les lieux dans un état lamentable. Pour accéder aux quartiers Si Smaïl et Rassauta, il faudrait un véhicule tout-terrain. Avant de rejoindre Rouiba par le fameux El-Hamiz, nous n'avons pu nous empêcher de souhaiter beaucoup de courage à nos amis les nettoyeurs. Une décharge publique s'était formée sur plusieurs centaines de mètres. À distance régulière des barrages de gendarmes sont dressés. De la criminalité, le commandant de compagnie nous dira que la situation s'est nettement améliorée ces derniers temps. Les descentes répétées dans les points chauds ont permis de neutraliser les agresseurs et autres chapardeurs de téléphones portables qui profitaient particulièrement de la mauvaise fluidité de la circulation sur la RN24 très mal éclairée la nuit pour s'attaquer aux automobilistes. À Rouiba, le capitaine Zerred, un aguerri du quartier chaud l'Usto d'Oran, nous dira la même chose. Le bidonville El-Kharroub a été passé au peigne fin. Depuis plus d'un mois, aucune agression n'a été enregistrée ici. Le commandant du groupement d'Alger, le colonel Mostefa Taïbi, qui se trouvait là, nous propose un tour sur la côte ouest où l'animation est réputée plus importante. En traversant El-Hamiz, nous eûmes encore ce sentiment de désolation devant l'incapacité des autorités de prendre en charge cette cité qui plonge plus en plus dans l'anarchie. Une ville qui brasse des milliards, mais vivant dans des conditions inacceptables. Heureusement que la sécurité est assurée. Quand le père Noël se fâche 21h. La compagnie de Zéralda nous accueille dans un silence de cathédrale. D'habitude, il y a toujours de l'animation : arrestations pour agressions, vols ou immigration illégale. Pour ce soir, du thé et des gâteaux offerts par un caporal-chef fraîchement promu. Notre attention a toutefois été attirée par la présence au niveau de la réception d'un être venu d'ailleurs. Un grand gaillard déguisé en père Noël. Tout de rouge et de blanc vêtu, il était venu déposer une plainte contre “des casseurs” qui lui ont défoncé la portière de sa voiture. “C'est un habitué du complexe touristique qui se laisse prendre en photo avec des gosses, accompagnés de leurs parents. Tous les mois de décembre, il s'adonne à cette activité lucrative”, nous dit-on. En attendant de mettre la main sur les malfaiteurs, le père Noël affiche une mine renfrongnée. Dans la vie, il n'y a pas que des cadeaux. Le commandant de compagnie attend une équipe de la télévision qui se fait désirer. Impatient, il nous propose un dîner offert par le directeur des Sables d'Or. À côté, le Mazafran affiche complet. À voir le nombre de véhicules stationnés dans le parking, il est aisé de deviner que le Safir a mis le paquet pour attirer la grande foule. La sécurité est omniprésente. Les groupes cynophiles, venus en appoint, sont au niveau de chaque poste de police. Discrètement, les gendarmes filtrent les passages tout en respectant les traditions imposées par cet évènements exceptionnel. “Nous ne tenons compte que des dépassements, car ils ne faut surtout pas heurter la sensibilité des citoyens venus se payer un peu de bon temps”, explique le colonel Taïbi. Aux Sables d'Or, le directeur donne des recommandations au maître d'hôtel. M. Hebbouche a déjà fait ses preuves en tant que sous-directeur pendant 12 ans au Sofitel et directeur des opérations durant plus d'un an et demi au Hilton d'Alger. Dans la grande salle, la musique bat son plein sur des airs endiablés du raï bien de chez nous. Au gré des commandes, les serveurs s'affairent en pas cadencés. Curieux de remarquer notre présence qui ne cadrait pas avec le lieu, les fêtards nous dévisageaient. Profitant d'une petite pause de la musique assourdissante, nous butinons d'une table à une autre les avis et les déclarations. “Vous êtes de Liberté ?” “Oui”, répondons-nous. “C'est génial, mon journal préféré. Permettez-moi d'adresser à toute votre équipe rédactionnelle mes meilleurs vœux”, lance Karima. Un beau brin de brune à côté d'une armoire à glace assez sympathique. À une autre table, Nordine, un émigré originaire de Sétif et là pour fêter le réveillon de fin d'année avec un groupe d'amis. “Le choix de cet hôtel remonte à quelque temps. On vient ici parce qu'on se sent en famille. C'est très sympa”, dira-t-il. Son voisin de table abordera même le sujet de la sécurité. Kader pense que le risque Algérie est une idée développée par les expatriés à destination de notre pays dans le but de faire augmenter le taux des indemnités allouées dans ce cadre. “Nous ne sommes pas moins sécurisés qu'à New York ou Paris”, confie ce jeune homme qui travaille pour le compte d'une boîte spécialisée dans la sécurité. Il n'y a pas que les hommes accompagnés qui sont là, certains préfèrent fêter l'événement seuls à l'image du Dr Chaouch, ou de ce responsable du management de KMC Hassi-Messaoud venu pour un dîner d'affaires, mais qui se retrouve seul. Nous quittons les lieux après minuit. Dehors, il fait froid. Les gendarmes éprouvent beaucoup de difficultés avec l'encombrement formé à l'entrée du Sheraton. La fouille est systématique “On ne badine pas avec ça. Chaque jour et chaque expérience sont riches en enseignements. Ce qu'il faut savoir à présent, c'est que l'application de la loi stricto sensu a permis de faire reculer la criminalité. Avant de commettre une agression ou de voler un téléphone portable, le malfaiteur sera obligé de réfléchir longuement. Désormais, toutes les mesures ayant trait au maintien de la sécurité publique seront soigneusement accompagnées”, fera savoir le colonel Taïbi qui conclura que cette volonté sera effective partout sur le terrain. ALI FARES